Texte inédit de Maurice Martin
Retrouvez en exclusivité un texte inédit de Maurice Martin auteur de Marianne.
Bonne lecture !
LES LETTRES DE MARIANNE
Une voix d’enfant, un cri du cœur, des mots qui ne seront jamais envoyés…
Lettre 1 – À Maman
Maman,
J’ai attendu aujourd’hui encore.
J’ai levé la tête vers le ciel, j’ai guetté un signe. Une lumière. Un souffle. Mais rien.
Pourquoi tu ne redescends pas ? Pourquoi tu ne me prends pas avec toi ? Ici, je suis invisible.
Je marche doucement dans la maison, je fais attention à ne pas déranger. Je mets mes vêtements sans me plaindre, même s’ils sont trop grands ou trop courts. On dit que je devrais être reconnaissante.
Mais, maman, comment on fait pour être reconnaissante quand on a froid ?
Quand on a faim d’un regard doux, d’un mot gentil, d’une main qui caresse nos cheveux ?
Si tu reviens, promets-moi de me prendre avec toi.
Lettre 2 – À la maîtresse
Madame,
Je sais que je ne suis pas une bonne élève. Je sais que je rêve trop, que mes cahiers sont pleins de taches d’encre, que mes souliers traînent sous la table.
Mais quand vous me mettez au fond de la classe, loin des autres, quand vous dites que je suis sale, que j’ai des poux, j’aimerais vous expliquer.
J’aimerais vous dire que je me lave tous les jours, que je passe le peigne jusqu’à ce que mon cuir chevelu me brûle. J’aimerais vous dire que ce n’est pas de ma faute, que je n’ai personne pour m’aider.
Mais je me tais. Parce que les mots ne servent à rien quand personne ne veut les entendre.
Lettre 3 – À la mer
Grande bleue,
Je t’ai vue aujourd’hui, au loin, derrière les toits gris de Toulon.
Tu n’es pas la même que chez moi. Chez moi, en Corse, tu chantes différemment. Là-bas, tu es sauvage, libre, indomptable. Ici, tu sembles retenue, comme moi.
J’aimerais courir vers toi, plonger, disparaître dans tes bras salés. J’aimerais que tu me ramènes chez nous.
Lettre 4 – À moi-même
Marianne,
Un jour, tu partiras. Tu quitteras cette maison qui n’est pas la tienne, tu marcheras loin, très loin.
On te dira que tu n’y arriveras pas. On te dira que tu n’es pas assez bien. Mais tu avanceras quand même.
Parce que tu es la fille de ta mère.
Parce que tu es plus forte qu’eux.