« Ces sculptures, nées de balais et de brosses, ont inspiré les textes de cet ouvrage. Ces écrits reflètent une vie riche de joies et de douleurs, de colères et espérances, d’ironie et de tendresse. Récit d’une adolescence où beaucoup d’autres adolescents (ou ceux qui l’ont été) pourront se reconnaître. À travers ces récits, on devine l’histoire tourmentée d’une jeunesse volée (violée) par les préjugés, l’inceste, les non-dits et la guerre, mais aussi illuminée par la présence solaire d’une grand-mère, d’un Pépé ou d’une amitié fraternelle. De cette jeunesse naîtra peut-être (sans doute) une “vieille dame indigne”.
Pourquoi après avoir donné à chacun et chacune le plaisir de découvrir ces textes, ces dessins ne pourraient-ils pas vous inciter à en tirer vous-même d’autres inspirations, d’autres fulgurances, d’autres écrits ?

Tiens toi droite !

Non, je ne me tiendrai pas droite. Parce que, quand je me tiens droite, mes seins pointent sous mon sweat. Parce que, quand je me tiens droite, les regards libidineux rampent et s’attardent sur les deux bosses qui tendent mon pull. Parce que, quand je me tiens droite, j’entends les sifflets et les réflexions suscités par mes formes généreuses « Y a du monde au balcon « « Putain, les air-bags ! » « ça c’est des nichons ! » « on peut toucher ?» « tu arrives à voir tes pieds ? »
Mais qu’est-ce qu’ils ont les mecs avec les nénés ? À douze ans déjà ça commençait :« Oh mais ça pousse ! » , « On en mangerait de ces petites mandarines ! » .
Et puis les mandarines sont devenues pamplemousses, pastèques, melons ou poires, continuant à ouvrir l’appétit de gros gloutons avides.
Mais qu’est-ce qu’ils imaginent ? Ce n’est pas parce que j‘ai un bonnet D que je vais jouer dans des films pornos ! Ah oui, parce que je l’ai eu aussi cette proposition de photos de charme. Ils bavent parce qu’ils croient que mes gros seins signalent une sexualité débridée ?
Si je me tiens droite, je suis considérée souvent comme « chaudasse » par les garçons et, quelquefois, méprisée, parce que « vulgaire », par certaines filles.
Alors je les cache mes fruits convoités, je me voûte, je me dérobe sous des vêtements informes et trop grands, j’évite les décolletés, les t-shirts moulants, les pulls à col roulé, les robes qui s’évasent sous la poitrine et, bien sûr, les petits soutiens gorges balconnets si mignons sur mes copines.
Parce qu’en plus il faut que je supporte les conseils « avisés » de ma mère et de la marchande de sous-vêtements : « Ouh là ! Des seins comme ça, c’est fragile, il faut bien les soutenir Mademoiselle ; je vous conseille ce modèle enveloppant ». Beige. Vieillot.
Bien couvrant. Terne et triste.