Transpositions hasardeuses est né au cours de longues heures passées au chevet de ma chère maman dans une chambre d’hôpital. Elle espérait alors avec entêtement un départ qui lui fut promis, puis escamoté.
Ce qu’elle croyait être son dernier lit, où une nuit rédemptrice triompherait de ses innombrables jours, ne fut qu’une étape de plus vers une attente silencieuse, devenue peu à peu résignée, mais pesante et incomprise.
Des images d’hier et des instantanés d’aujourd’hui jalonnent les pages de ce recueil, certaines douces et tendres, d’autres presque drôles, et puis quelques flashes plus sombres surviennent, mais sans jamais verser dans le pathos.
La poésie m’a permis d’offrir un écrin de douceur hors du temps à celle qui m’a donné la vie, mais aussi de mettre de la distance vis-à-vis des situations difficiles vécues en tant qu’aidante confrontée à la très grande vieillesse et la fin de vie d’un proche. Ces sujets sont universels et chacun d’entre nous peut y être confronté.

Deux mains posées l’une sur l’autre,
Se protègent l’une l’autre
Pour s’empêcher de trembler.

Deux mains se cachent
Pour n’être point la proie
D’un regard d’inquiétude ou de pitié.

Deux mains en miroir que plus aucun bijou ne vient orner
Se referment comme une fragile coquille
Sur la perle d’un cadeau de nacre.

Deux mains s’agitent à leur insu
Pizzicati
Pendant de lourdes et brèves siestes en cascades
Comme si elles voulaient encore tricoter la longue écharpe
De nos hivers d’écoliers.

Deux mains de tendresse polies par l’œuvre des ans d’autrefois
Portent l’empreinte épuisée d’un ouvrage brodé depuis près d’un siècle
Et de tant de caresses prodiguées.

Parce que toutes choses s’en vont un jour proche ou un jour lointain
Ne demeure entre tes deux mains jointes que la douceur de la plume d’un ange
Qui s’envolera, légère, sur le chemin de la consolation…

Pour Noël, je t’ai offert une jolie paire de gants bleus.