Au travers de ce recueil de nouvelles composé de portraits de femmes, personnages marqués par des expériences de vie plus ou moins dramatiques, je me suis plu à dépeindre la société telle que je la percevais. Est-ce mon métier qui m’a poussée vers ce constat triste et sombre, ou juste une propension à voir le verre à moitié vide ? Toutefois, ces femmes ne m’ont pas laissée indifférente et j’ai ressenti le besoin de les faire témoigner dans ce livre au moyen de nouvelles romancées. Ces femmes courageuses qui ont souffert en silence, se sont battues pour des causes nobles que nous ne pouvons pas ignorer ni laisser sombrer dans l’oubli.

LA LIONNE

Je suis passée hier devant un célèbre cirque qui s’est installé pour quelques jours, à deux pas de chez moi et… j’ai pleuré. Cet étalage de couleurs criardes, façon pompier, avec l’image sur la devanture, d’un clown grotesque, pour attirer la clientèle, m’a donné la nausée.

Je ne sais pas comment j’en suis arrivée là, ou plutôt si, mais c’est incompréhensible, mes larmes se sont mises à couler lorsque j’ai croisé le regard de la lionne.
Comment à notre époque, peut-on encore autoriser ce genre de traitement envers les animaux ? Ce sont les êtres responsables de ces actes ignominieux que l’on devrait encager.
Six dromadaires se partageaient un enclos de fortune, dans lequel, ils pouvaient à peine se retourner. Il pleuvait des cordes et ils ne disposaient même pas d’un abri pour se protéger des aléas climatiques. Déjà j’étais peinée de cette situation. Alors, lorsque je me suis approchée, et que j’ai vu cette lionne dans cette cage si exiguë, fixant son regard au loin dans ma direction, on aurait dit qu’elle me prenait à témoin et me disait :
— « Regarde, regarde comment les hommes me traitent, moi la reine de la savane, ils ont fait de moi la femme que tu as été, cette femme que tu pourrais encore être… »
Il y avait bien longtemps que, pour cette femelle, la résignation avait remplacé la peur. Se souvenait-elle de sa vie d’avant ? J’en doute.

Et là, brusquement, les émotions m’ont submergée, elles ont jailli du plus profond de mon être sans les y avoir autorisées. Toute cette colère refoulée, ces sentiments d’emprisonnement mental, de brimades, de tromperies, de perte de confiance en soi, sont ressortis sans préambule, exprimés par des rivières de larmes coulant sur mes joues, que je ne pouvais ni endiguer, ni stopper………….