Le lecteur assiste à une descente aux enfers, à un duel sans merci, à une vengeance concrète autant que symbolique. Dans ce roman, une conscience têtue, une voix intérieure, curieusement masculine, prend en charge la plus grande part du récit de la narratrice, Marie, le personnage central, par ses conseils, ses suppliques et ses injonctions. Cette lutte intérieure dissèque un phénomène d’exclusion presque anodin, un bizutage aux effets pourtant ineffaçables, une atteinte à la personne depuis son effritement programmé jusqu’à son effondrement total, tant sur le plan social que physique. Promesses Détenues s’acharne à mettre en joug un bourreau ordinaire parmi tant d’autres. Ce récit croise au passage les fantômes du passé et les ombres fragiles du présent en cherchant une parcelle de réponse et de respiration, afin de défier la noyade pour mieux s’en évader.

Extrait

Ne sois pas inquiète, Marie, les rumeurs maladives empliront sans relâche les aumônières de la faucheuse. Ne blêmis pas, les fruits et les moissons d’automne se gonfleront sans trêve du prix de tes larmes et de ta peur. Dors tranquille, même inquiète, il n’y aura plus d’abandon, plus d’insouciance, plus de paresse, l’arc et la courbe se coucheront dociles sous la contrainte des rectangles, sauront sans faute tous les théorèmes imbus de leurs espaces limités. Ne perds pas espoir, tu verras encore et toujours se dresser des croix rectilignes, se planter des clous dans les cœurs, se fendre les chairs profanées pour un sacrifice illisible, se pavaner les indignations de faussaires en semence de crachats sur les figures de l’enfance. Garde confiance, tu sauras encore et toujours tourner le dos aux chemins de traverse, te fondre dans le coma des architectures immobiles. Sois-en certaine, Marie, Gift et ses complices iront toujours par millions fertiliser la boue et les racines infestées des graines sépulcrales, désaltérer les tremblements inutiles des ombres incendiaires. Patience, Marie, tu renaîtras du silence des voix qu’on accable, tu gagneras à enterrer le crépitement assourdissant de tes alertes, les cendres rougeoyantes de tes jeunesses inconsolables.

Ne perds pas courage, surtout, tu te réjouiras des déchets de tes révoltes piétinées, de l’infime suffisance de tes soifs taries et tièdes, de l’exsangue fatalité de tes désirs vandalisés. Allons, maintenant il est temps, Marie, de rejoindre Jean-Sébastien Gift, ta victime et ton bourreau. La vie doit reprendre ses droits lorsque tu donnes les siens à sa mort. C’est pour ce soir. Debout. Un dernier effort de patience avant de tourner la page, enfin. Avant d’oublier… Allez, debout, Marie, courage, affronte les marches à rebours. Cette fois, il te faut aller chercher ton dû. Mais cette fois, tu prendras ton temps. Cette fois encore, il faut que tu te fasses belle pour le rejoindre.