Ce livre est le journal intime de ma métamorphose. C’est ma vie organique, psychique et spirituelle qui passe par mes amours. Je n’ai jamais su quel temps employer pour narrer. J’ai trouvé le temps présent fidèle. Je suis restée avec lui. Mes souvenirs et visions futures ont eu lieu en relation avec nous. J’écris presque tous les jours, mes mots restent frais. Je ne sais pas comment vous allez les consommer, mais sachez que leur recette est originale sans être particulière. C’est un journal où plusieurs personnes vont se retrouver parce j’ai donné la parole à plusieurs personnages en moi en espérant me rassembler en une seule personne entière.

J’ai utilisé le papier comme miroir. Je n’ai pas arrêté de changer son cadre et ma position par rapport à lui pour pouvoir voir mes nouveaux cheveux blancs ou la statuette de bois à côté de moi qui a détaché de ses mains sa tête de son corps. Je vous présente ma beauté désinvolte et ma laideur avec grâce. Je n’espère pas vous plaire, j’espère que mon papier vous reflète.

Extrait

Mardi 17 septembre

C’était beau, c’était même magnifique, les couleurs éclataient de sens. Tu as peint des couleurs rayonnantes qui ont connu le noir. On sentait la maturité de leur flamboyance. La sagesse de leur fulgurance. Tu as l’art fulgurant. Il frappe l’esprit rapidement. Je dirais qu’il est parfois une tentative de remonter les morceaux brisés d’un idéal perdu. Peut-être que c’est pour ça que je vois ton jaune le plus solaire émerger du noir. Et c’est ça, justement ça, qui lui donne toute sa brillance à mes yeux. Tu es le jeune vieux, le jaune noir que j’aime.

Tu as ouvert Beirut Art Fair hier. Tu as exposé pour Beyrouth, mais c’est Beyrouth qui s’est exhibée devant toi. C’est elle qui s’est dénudée. Ne regarde pas trop ses rides ni les imperfections de son corps. C’est une vieille refaite. Elle a subi plein de chirurgies esthétiques depuis le temps qu’elle encaisse les coups. Elle te plaît, elle te charme, elle fume les cèdres et tu peins avec la cendre de sa cigarette. Elle est incapable de te voir à découvert, elle se cache derrière ses lunettes. Ne lui en veut pas. Tu sais qu’elle t’aime. Peut-être que tu lui dis des choses d’elle qu’elle n’est pas encore prête à admettre. Peut-être qu’il faut parler ailleurs d’elle. À paris peut-être. Peut-être que je veux te rapprocher de moi. C’est sûr que je veux ton épanouissement, où que ce soit.
J’ai une larme à verser pour Beyrouth dans la Seine et un bouquet de fleurs à jeter dans ce fleuve pour célébrer l’éternel retour de l’idéal à chaque fois qu’un trait dessine un mot ou une image qui n’a pas d’âge.