Ce récit est un hommage à ma fille Manoa, emportée par une maladie rare et incurable, en 2018, à l’âge de 6 ans. Il témoigne des épreuves traversées, le basculement d’une vie engloutie jour après jour par le processus des soins, la souffrance d’une mère qui tente désespérément de sauver son enfant et enfin le chemin parcouru pour survivre au deuil. À travers ses lignes, je raconte son courage d’enfant, la façon dont elle fait face à l’inimaginable. Des mots pour elle, sa renaissance. Pour moi, ma reconstruction. Des mots aussi pour aider des personnes confrontées à des situations semblables, qui elles aussi vont se trouver perdues, si rudement éprouvées, en difficulté pour lutter et survivre. Ce livre leur permettra, j’espère, de se sentir moins seules et de trouver des outils afin de les aider.

« Je m’attendais à une entrevue difficile, une épreuve, traumatisante.
Je me dirigeais vers la salle de réunion, terrorisée. Mon corps tremblait. Chaque pas était si difficile, comme si je ne voulais pas avancer. Dans ma tête, je me remémorais la scène dans le premier bureau, en huis clos avec la pédiatre de l’hôpital de Pau. En même temps, cognant la première image, je revoyais le deuxième bureau, face aux cinq différents spécialistes autour de la table de réunion de l’hôpital de Bordeaux. Et il fallait maintenant affronter ce troisième bureau…
Je longeais les derniers mètres du couloir du service pédiatrique, la porte de la salle était ouverte, la pédiatre oncologue et son homologue étaient déjà installées. “Allez-y, entrez et asseyez-vous”.
Refuser ? Fuir ? À cet instant même, je ne voulais en rien vivre ce moment, parce que je présumais de son contenu. J’aurais tant voulu me retourner et venir te chercher en te disant : “Manoa, mon cœur, partons et revenons dans notre vie d’avant. Manoa, je viens te chercher car nous allons danser, rire, chanter, courir dans les champs main dans la main, cueillir des fleurs, jouer sur le sable et ramasser des coquillages, comme avant. Manoa je viens te chercher et nous allons sauter d’un grand bond pour rattraper la vie, ta vie, notre vie”.
Le docteur Élise B. a pris la parole.
“Madame, au vu de ces dernières analyses, nous vous avisons de l’arrêt du traitement de maintien, celui-ci n’agit plus”.
Assise, face aux médecins, je ne sentais même plus mon corps. Aucun mot, aucun. Que des larmes, qui coulaient sur mon visage, par milliers. »