Ce roman raconte pour la première fois le travail de dissection à l’origine de l’ouvrage L’Anatomie du cheval paru en 1766. Il s’inspire de l’histoire vraie de George Stubbs grand peintre de chevaux et de son assistante Mary Spencer. C’est en 1756 qu’ils quittent tous les deux Liverpool pour une ferme du Lincolnshire, à l’autre bout de l’Angleterre. Dix-huit mois de dissections, une douzaine de chevaux abattus sur place et un seul objectif : servir la science et l’art. George Stubbs l’a décidé, il sera le premier à peindre des muscles de chevaux plus vrais que nature. Pour cela, c’est la robe du cheval qu’il s’agit de découdre fil après fil. George entraîne Mary dans cette quête de la beauté où l’art triomphe de la mort. Cette oubliée de l’Histoire a permis à George Stubbs de réaliser son œuvre. Ce roman d’initiation narré à la première personne par Mary Spencer qui a 15 ans en 1756 montre la volonté de cette jeune femme de trouver sa place dans la société anglaise du 18e siècle. C’est une histoire de résilience et d’amour face à la souffrance du passé qui a une portée universelle. Les personnages confrontés à l’énigme de la vie et à la peur de la mort trouvent dans l’art le sens de leur existence. Ce livre ne s’adresse pas qu’aux amoureux de chevaux et d’arts, il touchera tous ceux qui s’interrogent sur le sens de la vie.

Extrait

J’entrai dans la rivière. Un dernier regard. Seule. Je défis mes linges. Mon souffle se figea. Mon cœur battait à un rythme infernal. Le sang s’échappa aussitôt comme soulagé de n’être plus prisonnier de moi. Deux épais ruisseaux coulèrent le long de mes cuisses avant de se fondre dans le courant calme. La douleur me piquait jusque dans le dos. Des pulsations puissantes et régulières. Le seul pouvoir qui me restait était celui de respirer plus lentement et d’attendre. Je me répétais que cette douleur avait du bon. Plus le sang coulait, moins j’étais enceinte. Il lavait le passé. Les choses allaient s’arranger.
L’indifférence de la rivière. Pas d’œil pour juger ; pas de bouche pour condamner. Elle se contentait de boire avec avidité ce sang dont la source semblait intarissable. Un rouge vif qui s’étalait petit à petit comme s’il n’osait pas trop s’éloigner de moi, de chez lui.
Je revis la porte grise. La petite cour carrée que nous traversions toutes tête baissée.
Le chant de l’eau d’une fontaine bordée de lierre. Cette insupportable douceur qui accueillait notre détresse. La nécessité d’airain qui nous conduisait là rendait chacun de nos pas aussi lourds que les secrets que nous cachions sous nos capes de laine. Les aiguilles, elles, étaient légères, longues et froides.
– Cale tes pieds dans les étriers et mets tes poings sous les fesses, dit la voix sèchement.
Elle appelait ça des étriers alors qu’on posait les talons dedans. Le monde à l‘envers.
– Écarte mieux les cuisses. Qu’est-ce que tu veux que je fasse comme ça ? Si t’es là, c’est que tu sais le faire, ricana-t-elle.