L’auteur Christian Fenouillet propose ici une série de petites histoires permettant de s’évader, de s’éloigner un peu des écrans vidéo et de leurs addictions, pour plonger dans le monde merveilleux des
contes et légendes et retrouver ainsi la magie du rêve et de l’imaginaire de notre enfance. L’auteur tente même, dans ces récits, de glisser subrepticement quelques valeurs morales d’un autre temps.

Grain d’orge tomba à genoux, il prit la tête du chien entre ses bras, une étreinte que nul n’aurait imaginée entre ce colosse au cœur de pierre et cet animal. Le chien léchait avidement les grosses larmes chaudes qui coulaient en abondance sur les joues roses de son maître. Un cercle de curieux assistait à distance à cette scène. L’émotion était telle que la foule demeurait totalement silencieuse. « De l’eau, vite de l’eau ! » s’écria le colosse et un jeune compagnon courut alors pour ramener prestement une écuelle d’eau fraîche. Le grand chien lapa péniblement puis il finit par se coucher, épuisé, à même le sol, sans toutefois quitter son maître du regard. Ils restèrent là longtemps, tous les deux. Grain d’orge, d’ordinaire peu bavard, lui parlait comme à une personne. L’histoire semblait compliquée, mais il éprouvait apparemment un besoin de se justifier et d’expliquer à son fidèle ami les raisons de son départ. Tard dans la nuit, il souleva le gros chien dans ses bras, traversa ainsi tout le chantier pour ne le déposer qu’une fois parvenu à la cabane qui lui servait de logis. Il l’installa sur sa couche, puis tenta sans succès de lui faire avaler un petit morceau de lard. Le chien remerciait en léchant, mais il n’avait plus la force de manger. Pour éviter de pleurer, Grain d’orge parlait fort, il avalait quelques gorgées de vin pour se donner du courage, puis déclamait des choses insensées : « Repose-toi mon gros, bientôt tu iras mieux et nous pourrons à nouveau nous promener tous les deux. Tu m’as retrouvé et maintenant je ne t’abandonnerai plus jamais ! »
Le grand chien blanc fixait son maître. Le chien perçoit mieux que l’homme l’approche de la mort. Il semblait attendre, résigné, mais étrangement apaisé par la présence rassurante de son colosse de maître.