Pas question de rester neutre devant des images : il faut dépasser l’émotion immédiate qui accompagne le regard et apporter un jugement de goût, car les images parlent ; elles sont même parfois extrêmement bavardes.
Plonger dans les images c’est s’investir et accepter de cheminer avec celui qui les a produites.
Mais accompagner c’est dialoguer, se tromper, interpréter plus ou moins bien, adopter ou contester tel ou tel point de vue, bref c’est s’ouvrir pour comprendre. Nous nous enrichissons par les échanges, nous grandissons et nous changeons. Alors j’entame l’immersion, me laisse porter par les images et la poésie qu’elles engendrent et je laisse planer mon imagination.
Cet ouvrage m’a conduit sur les pas de Vincent Citot. J’ai exploré des univers très différents et au sein de ces voyages j’ai découvert des lieux parfois exaltants, parfois sombres, toujours forts. Le personnage que l’on retrouve dans chaque image nous révèle un petit peu de la condition humaine. Il peut paraître souvent audacieux et quelquefois il se cache et affronte des situations difficiles. Mais s’il se confronte à la noirceur, c’est pour mieux s’en éloigner. Il se gouverne avec détermination et conquiert ainsi sa LIBERTÉ.

Extrait

Interprétation de la photo : ‘’L’Homme vain’’ 2018 Sandgerdi (Islande)

Toujours, l’homme part à la conquête de Nouveaux Mondes !
Dans sa tenue blanche, ce capitaine hardi et fringant, ne manque pas de panache ! Véritable figure de proue, se tenant fièrement à l’avant du navire. Hélas… tout ça pour rien dirais-je…
Combat d’arrière-garde, de la dernière chance, mise en scène grandiloquente : c’est en même temps Richard III et le roi Lear. Un capitaine de théâtre, fantoche… marionnette inutile. J’ai envie de lui mettre entre les mains un sabre de bois et sur la tête un chapeau de Napoléon en papier. C’est un enfant dans le bac à sable qui livre un combat imaginaire rempli de bruit et de fureur. Il échafaude des luttes sans merci dont, bien sûr, il sortira vainqueur. Les armes s’entrechoquent dans sa tête. Combats peut être titanesques, rêves fous de grandeur, inaboutis mais porteurs, comme tout ce que l’enfant joue et surjoue dans son monde chevaleresque.
J’entends les trompettes sonnées et le fracas des boulets… Il ne manque pas de courage ce capitaine et derrière lui les troupes galvanisées le suivent drapeau en tête ! Tout autour, une mer infinie, avec ses vagues d’herbes ondulant au vent.
Projet fumeux et vain… Le voilà donc ce capitaine d’un navire immobile et délabré… Grandeur et décadence. La peinture part en lambeaux, le bastingage est en loques, la coque pourrie est complètement vermoulue. Il prend l’eau de toute part. Et le ciel bas est à l’unisson. Dans ces nuées informes la défaite est déjà inscrite. Tout va se diluer et les rêves fumeux vont se dissiper, digérés dans le grand tout.

Vincent Citot (le photographe) et Gilbert Dufrane (l’auteur)