Le village refondé est un roman dont l’intrigue se déroule en un petit village sans temps, oublié au pied de la montagne de Lure, au cœur de la Provence, vers la fin du XIXe siècle. Le livre touche à trois thèmes principaux : le doute, la violence mimétique et les conflits entre la Modernité et la Tradition. Le village auquel le titre fait référence est un laboratoire des sentiments humains, où la violence se répand comme un virus, risquant de détruire les bases fragiles sur lesquelles le système social local se base. L’histoire est racontée à la troisième personne et suit le point de vue de plusieurs personnages, emmenant le lecteur à épier les recoins les plus profonds de leur personnalité. Cela se révélera fondamental pour pouvoir comprendre les comportements autrement inexplicables des habitants du village, jusqu’au tragique dénouement final. Plusieurs auteurs m’ont inspiré pour écrire ce roman, notamment Frédéric Mistral, René Girard, Georges Bernanos et Jean Giono.

« Il était devenu à la fois curé, sacristain, enseignant et médecin. Ses résultats étaient très modestes : ces gens demeuraient inhospitaliers, taciturnes et indifférents à son engagement.
Son esprit s’usa peu à peu. Ses anciens fantômes revinrent le hanter la nuit. Il envoya des lettres au diocèse, demandant à l’évêque de le muter loin de cet ingrat village qui le dédaignait. Les réponses furent négatives. Le diocèse l’invitait avec diplomatie à demeurer dans ce village et à s’en remettre à Dieu : tôt ou tard “Il” ouvrirait sûrement les cœurs de ces rustres, les ramenant sur le droit chemin.
Jean-Paul commença à s’assombrir. Son âme était tourmentée. Lors de ses longues nuits d’insomnie, il prit l’habitude de murmurer des questions inquiètes dans ses prières. Mais aucune réponse ne lui effleura le cœur. Frustré et seul, Jean-Paul vieillissait très vite. Il se persuada que la responsabilité du mal dans le monde n’est point l’œuvre du Diable à lui seul, qu’il y a toujours quelqu’un qui aide celui qui domine l’Enfer, et que c’est l’homme lui-même. Il se mit à haïr les hommes en raison du mal qu’ils causaient, aux autres, à eux-mêmes, et surtout à lui. Il ne l’aurait jamais avoué, mais Jean-Paul se sentait profondément blessé. Il était comme un fleuve sec. Il laissa la foi déserter son âme et garda Dieu, ne pouvant le remplacer par rien d’autre.
Le prêche qu’il avait conçu portait sur la méfiance. La veille, il avait lu un passage de la Bible, la première lettre aux Corinthiens, dans laquelle l’apôtre saint Paul met en garde les fidèles contre les idolâtres et les ivrognes.
“Méfiez-vous des infidèles, leur dit-il en levant les mains au ciel. Méfiez-vous de ceux qui vous promettent la gloire contre l’argent, souvenez-vous donc : notre Seigneur le Christ fut trahi par l’un de ses disciples pour quelque monnaie… Méfiez-vous des langues fourchues et du sourire, puisqu’un sourire peut cacher la moquerie et déforme les traits des visages, les faisant ressembler à ceux d’un singe.” »