La Rousse Ménagère est un mini dictionnaire surréaliste de 52 mots – 2 par lettre – à lire et à écouter, dont l’écriture a été financée par la DRAC, la région Auvergne-Rhône-Alpes et le CNL. Il est illustré par Rodolphe Brun (Molodoï Plenni).
La Rousse Ménagère, dite « La Rousse », est la déesse de la Maison. Mais elle étend son pouvoir bien au-delà de quatre murs et règne également sur la Rue et ses boutiques.
La Rousse s’exprime par le biais de définitions qui sont des conseils éclairés, quoiqu’obscurs, à ses disciples. Chaque définition est suivie par un récit étrange, cocasse ou onirique.
La Rousse Ménagère est un rendez-vous propice à la rêverie, à la manière de Pierre Dac ou de Roland Topor.

Extrait

La Genèse de la Rousse

La Rousse dit : Faisons une Ménagère à notre image, selon notre ressemblance, et qu’elle domine sur les passants de la Rue et sur les bêtes aquatiques du Bassin. La Rousse créa la Ménagère à son image, elle la créa à l’image de La Rousse, elle la créa à la fois femelle et mâle.
La Rousse sépara la Ménagère en deux, elle fit Je la femme et Jean le mari, les bénit et leur dit : À vous d’être féconds et de multiplier, de remplir la Maison, de la conquérir ; de commander aux passants de la Rue et aux bêtes aquatiques du Bassin.
Et La Rousse dit : Voici, je vous donne toute pâtisserie de la Rue, tous les aliments des placards et des réfrigérateurs, toutes les glaces et les yaourts : ce sera votre nourriture.
La Rousse vit tout ce qu’elle avait fait et que cela était vraiment bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le sixième jour. Ainsi furent achevés la Rue, le Ciel, la Maison et le Bassin. La Rousse alors se reposa : ce fut le septième jour.

ASCENSEUR

« Pour peu qu’elle soit élevée, la Maison peut avoir besoin d’un ascenseur. Ne dédaigne pas alors cette cabine qui assure un déplacement efficace. L’ascenseur est bien plus qu’un simple moyen de locomotion ou un défilé de contenus. Il promeut et peut te rendre la pareille. »
Le dit de la Rousse.

Je fais souvent appel à des ascenseurs.

Je les emprunte en général pour des immeubles extrêmement hauts et de configurations très diverses. J’ai déjà utilisé des ascenseurs dans des immeubles bourgeois, tendus de tapis rouge, avec des plantes en pot à chaque étage. J’en ai utilisé au contraire dans des HLM sombres et froids, éclairés par des ampoules électriques dispensant une lumière jaunasse. Parfois même, j’ai emprunté des ascenseurs de tours ultramodernes, des ascenseurs très rapides et très grands qui vous plaquent au sol dès qu’ils démarrent.
Quelle que soit leur diversité, ils ont tous un point commun : ils sont assez indépendants, voire fantaisistes, et ne daignent pas toujours se rendre à l’endroit où vous voulez qu’ils vous mènent.
Mais je dois avouer que je ne sais pas toujours où je veux aller. Toujours est-il qu’ils desservent des étages innombrables, peuvent afficher des numéros 1000, 2 000, s’affoler… Parfois, ils s’arrêtent à mi étage et pour en sortir, il faut déployer des efforts d’acrobate, de casse-cou.
Il faut le savoir : Les ascenseurs montent ; ils descendent rarement, ou alors ils le font brièvement, comme pour prendre un élan vers des cieux toujours plus élevés, plus inaccessibles.