La patience du Minotaure
À l’origine, je suis surtout un lecteur et un auteur de poésie, une de ces personnes en qui les mots vivent d’une vie un peu indépendante parfois, ouvrant indéfiniment les mondes, et les peuplant d’êtres attachants ou étranges, troubles ou éblouissants. Je ne vis pas vraiment pour écrire, bien que je n’en sois pas loin parfois. Mais assurément, mes pensées parfois me font l’effet d’une écriture, qui ne m’attend pas toujours pour se faire.
Je fais aujourd’hui appel à vous pour réaliser ensemble ce projet d’édition. Je vous propose de contribuer à la naissance d’un livre et de devenir partenaires de cette création. Votre nom en tant que contributeur sera présent dans le livre que vous recevrez en avant-première !
Mike vit seul. C’est un body-builder, habitant une solitude d’une telle densité qu’elle en est presque perfection. Sa vie se rythme de façon binaire : chez lui, il soulève de la fonte en vue de parfaire son corps colossal. Il sculpte ses muscles des heures durant, poussant avec obsession les limites de sa force. Au-dehors, il travaille dans un abattoir, où il met à mort les bêtes. Son monde est fait de pensée, d’esthétisme et de chair. C’est un monde quasi complet, fait d’un seul homme, hermétique. Cela aurait pu – aurait dû – suffire. Mais quand une vieille connaissance vient frapper à sa porte pour lui réclamer une aide désespérée, le monde de cet être muré va s’ouvrir aussi radicalement qu’il l’avait maintenu clos. Pour ne jamais plus se refermer.
Il y a un héros auquel je pense. C’est Sisyphe. Je dis un héros à dessein, foncièrement. C’est un homme qui me ressemble. Son histoire ne nous a rien fait parvenir concernant sa musculature, qui comme la mienne devait être immense. J’aime Sisyphe. J’aime cet homme comblé, ce devenir monolithique, la sinuosité progressive de cette ligne de vie. Je ne pense pas que son châtiment l’ait muré, qu’il ait été broyé par sa condamnation. C’est à mes yeux une chose impossible. Sisyphe a brandi sa torture, et en a fait sa gloire. C’était un homme immense. Les dieux lui ont laissé ou offert ses domaines de gloire.
Mon œuvre est semblable à la sienne. Je peux enclencher mes haltères dans les équerres de maintien, au-dessus de moi. Je peux le repos, l’abandon, l’inertie. Mais je veux la force, le développement qui consiste à vaincre, l’ivresse, la hauteur.
J’achève en souriant mes séries. Je souris au vaincu, au réalisé, à ce que je laisse fait, en arrière de moi. Je souris au métal auquel j’ai donné gloire et que je laisse reposer. Je souris de sa dépendance. Je souris de ma nourriture. Je prends le temps de cette fin, je lui donne de la lenteur. C’est une lenteur sensuelle. Je pose la barre dans les crans. Le bruit qui s’entend, c’est moi qui le donne. Je desserre l’emprise de mes mains. La barre roule sur elle-même, vient se caler dans la butée. Je relâche mes bras et les ramène sur moi, sur ma poitrine. Ce sont des bras de pierre, des masses prises à la montagne, des arbres sortis de la terre. Ils sont parents du métal. Ils sont pleins d’un sang qui cherche dans les veines, emplit l’habitable de force, circule avec avidité, à la fois alerte et repu, leste et lourd. Je serre mes doigts et mes os craquent. J’écoute le silence qui emplit mon appartement. Le parfait. L’immobile. Le temps. J’aime ce mutisme du monde à mon alentour, cette cavité opaque et insonore que je produis. Je l’entends, je la discerne comme si c’était mon sang. J’ai un tel bonheur de me respirer. Sentir l’immense. Le plein. La force.
Peinture : Stéphane Dufraisse, El toro rojo
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Les étapes de création
Mon objectif est d'atteindre 990 € de préventes afin de rendre possible la réalisation des maquettes, la correction, l'impression et la promotion. C'est pourquoi je fais appel à vous, auteurs, lecteurs et amoureux des mots ! Votre précommande permettra à mon projet de devenir réalité grâce à une équipe de professionnels. Votre appui me sera précieux et vous recevrez vos contreparties dès la fin de la campagne.