Rien de plus banal a priori, que de raconter la vie d’un homme. Mais il est des hommes confrontés à de telles infortunes et de si improbables rencontres que leur vie devient contre leur gré une véritable épopée.
Martin Martin – le lecteur découvrira rapidement par quelle première incongruité il se trouva affublé d’un tel nom et prénom- appartient à cette espèce rare de ceux qui auront connu le combat pour la vie dès ses premiers instants. D’autant que son fardeau originel sera de plus alourdi par une anomalie génétique qui influera sur des moments-clés de sa vie.
Il me semble que pour s’engager dans une aventure éditoriale il faut le savant mélange, délicat à réaliser, d’un texte qui suscite l’intérêt, l’envie d’un éditeur de le défendre et sans doute le miracle d’une rencontre avec le public. Cherchons ensemble cette belle fusion.

Extrait

« Que dire de l’enfance d’un enfant né de rien? Beaucoup, heureusement. Il ne prit pas existence civile dans l’exubérance vocale et gestuelle de quelque père béat le déclarant à l’employé de mairie blasé et faussement ravi. Néanmoins, il fallut bien qu’une des sages-femmes de la maternité de l’hôpital se dévoue pour accomplir cette tâche rarissime que celle d’officialiser la venue au monde d’un nouvel humain venu d’on ne savait qui.  Peu de différence en fait avec une déclaration formelle aux objets trouvés. Mais curieusement chez les hommes appelés civilisés, il ne suffit pas de naître pour être.  Le stylo à plume levé immobile pour le fonctionnaire et l’air passablement interrogatif de la sage-femme en témoignèrent pendant un moment de silence. La mère inconnue et le père du même tonneau, l’employé en avait quelques rares cas dans ses grands livres poussiéreux. Pour autant, il se souvenait encore du problème qui se posait à chaque fois pour ces déclarations non-conformes. Car à part le sexe et le lieu de naissance -on décida Tours, siège de l’hôpital – comment accueillir donc reconnaître dans la communauté humaine ce nouveau venu? Que lui donner comme nom et prénoms qu’on le veuille ou non stigmates définitifs de notre existence sociale? Il revint donc à cet homme et à cette femme qui se rencontraient pour la première fois de mettre au monde civil cet enfant qu’ils ne reverraient sans doute jamais.  Le nom? Après une trentaine de secondes d’hésitation, la sage-femme lança un timide… »Martin »? qui suscita naturellement une moue dubitative du préposé aux actes officiels. Son humour de Mairie le poussa immédiatement à ajouter avec un sourire mi-hâbleur mi-imbécile: « Et pour le prénom, on met… »Martin »? La sage-femme rejoignit aussitôt le même niveau de ravissement stupide devant la trouvaille ».