De ses voyages sur quatre continents, l’auteur revient intrigué par le fait que la marelle y soit tracée et jouée selon les mêmes règles et les mêmes codes, la plupart du temps à l’écart du monde des adultes.
La référence à la voie symbolique lui sert de fil rouge pour entreprendre une étude du jeu, en questionnant différentes sources (l’étymologie, la géométrie, la numérologie), en tentant des parallèles avec d’autres jeux (le jeu de l’oie, le tarot, le jeu d’échecs), en mettant en regard Mythologie, Ancien Testament, Kabbale, Franc-maçonnerie, Chemin de Saint-Jacques, Extrême-Orient.
Apparaissent au gré des pages Œdipe, Jacob, les deux Saint-Jean, Achille et même le Petit Poucet et le Père Noël…
… Et si la marelle était tout simplement le plan de la voie initiatique ?

À l’ombre du grand banian, à quelques pas du lac Fewa, dans les montagnes népalaises, Yashoda, Samita et Nanu ramassent des cailloux, l’un pointu, les autres arrondis puis choisissent un à-plat du terrain… Samita prend le caillou pointu, s’incline et trace, en éraflant le sol, leur jeu à elles… Les lignes droites sont approximatives, ça n’a aucune importance. Huit cases entre deux demi- cercles, quatre cases simples et deux dédoublées… Ce jeu — le savent-elles ? — des milliers d’enfants y ont joué, des enfants y jouent encore, en même temps qu’elles, avec le même tracé, les mêmes règles.
De l’autre côté du monde, l’Urubamba, le fleuve sacré des Incas, ondule entre les sommets andins… On est à Pisac, pas loin du Machu Picchu. Killa et Atahualpa se sont regroupés avec leurs jeunes amis dans une ruelle à l’écart du marché… Les enfants utilisent la même technique que Yashoda dans l’Himalaya : un caillou pour tracer, des cailloux pour jouer. C’est le même plan, c’est le même jeu.
Là, leurs prénoms sont Aicha, Nour et Maryam…
On est à Tabant, au fond de la vallée de l’Ait Bouguemez, dans l’Atlas marocain… Ici, sur le continent africain, c’est encore le même plan, c’est encore les mêmes règles. Non pas à peu près le même plan et à peu près les mêmes règles, non, exactement les mêmes…
À l’école de leur commune dans la campagne française, les édiles ont voulu faire les choses au mieux pour la rentrée. Les employés communaux ont repeint les lignes du petit terrain de basket et puis, juste à côté, reproduit une superbe marelle toute colorée. Une marelle réglementaire, avec ses huit cases, ses deux demi-cercles, les bons chiffres dans les bons carrés, la terre et le ciel à leur place. Rien à redire, leurs sources sont fiables, ils ont été bien renseignés.
Peut-être a-t-on incité les petites Léa ou Camille à s’aventurer sur ce superbe parcours rectiligne et bigarré, peut-être l’ont-elles essayé. Ont-elles fait comme les oiseaux qui boudent les trop jolis nichoirs construits par la main de l’homme pour aller bâtir le leur juste à côté ? Car quelque temps après, à deux pas de l’officiel, on remarque le même plan de jeu mais tracé approximativement, avec un bout de craie ou de caillou blanc. C’est là qu’elles jouent à la marelle.
La marelle, c’est le nom de ce jeu. Quatre continents pour une seule marelle, comment ne pas être intrigué, comment ne pas s’interroger ?