La Chair de ma Chair

Un roman est une marmite où mijote le monde. Durant quinze ans à parler pour les autres en tant que consultant en communication, et notamment auprès de grands chefs, Greg Paternoster a déniché dans l’époque les ingrédients d’une bonne narration, tout en concevant l’écriture comme un artisanat qui s’affûte. Jusqu’à ce qu’écrire devienne aussi nécessaire que de se nourrir.

Nous vous proposons d’être acteur de la naissance de son livre en l’aidant à faire de sa parution prochaine, avec les Editions Maïa, un succès. Plus les préventes seront nombreuses, plus son livre sera promu et diffusé. En retour, vous serez présents dans le livre en page de remerciements et vous recevrez le livre en avant-première, frais de port inclus !

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S’il fallait un lieu pour résumer Guizelle, ce serait la Villa Rafflesia. Son immense gîte aux dix hectares, au pied des monts d’Ardèche. Un potager qui produit de plus en plus, tandis que ses pièces sont de plus en plus vides.
S’il fallait définir Guizelle, ce serait d’un seul mot : mère. Guizelle est une mère. Mais une mère sans qualificatif. Rien ne la désigne plus depuis que son fils est mort.
S’il fallait parler du fils de Guizelle, on dirait qu’il s’appelle Pamphile. Absent de la Villa Rafflesia depuis dix ans, une quête l’animait jusqu’à son décès.
S’il fallait trouver une qualité à Guizelle, ce serait qu’elle sait se tenir. Elle se tient. Sauf dans cette histoire, où ses souvenirs tombent en lambeaux. Dans le désordre.
Alors, vous avez envie d’aider Guizelle à se reconstituer ? À rassembler les pièces de son puzzle ? À recoller les morceaux de sa mosaïque ?

Extrait

Enfin, elle savourait les ultimes langueurs du fourneau qui refroidit. Guizelle se tenait, fourbue, devant l’îlot central dégueulant de barquettes d’aluminium. Depuis trois jours, ses mains s’affairaient à reproduire, avec l’exactitude obsessionnelle du deuil, les plats qu’il avait savourés. Bourguignons, blanquettes, daubes, civets, confits, salmis, carbonnades, parmentiers : un banquet en boîte, suant sa tiédeur torve, moite mesclun d’agressions olfactives. Tout ce qu’il préférait, elle l’avait préparé.

D’aucuns pleurent, d’autres s’abîment dans le recroquevillement. Pas Guizelle. Guizelle exsude de vie. Et pour se sentir vivante, elle s’embaume en ce soir de lundi de Pâques de chairs mortes, au Sancerre, au Morgon, au fond de veau, à la glace de faisan, au fumet clair, au bouillon d’herbes, à l’infusion de reine des prés. L’entièreté des mets préférés de Pamphile. Et pour les exécuter, elle est restée éveillée trois jours et trois nuits. C’est ce qui convient pour un fils mort à trente-trois ans.

Digérer sa disparition : cette hantise s’est emparée de Guizelle. Il fallait retourner à la vie au plus vite. À ce qu’elle offre d’expériences nouvelles, de sains débouchés, d’exaltations jaillissantes. Et quoi de mieux pour célébrer le vivant que les plats favoris de son enfant, lui qui dévorait l’existence à pleines dents. Ses tablées pleines d’amis polyglottes, ses festins jusqu’à l’aube durant, où elle le retrouvait dissertant dans cet entourage si prolixe, aux ballons pleins de fine, sur la grande table de mosaïque sous le tilleul du jardin, elle se levant à peine, un cappuccino à la main. La joie pure des éclats de rire, dans cette brume rosée que seuls les monts d’Ardèche qui venaient s’échouer au fond du verger savent offrir.

Alors elle s’est attelée à la cuisine comme un cheval de trait s’attelle à rendre l’infécond fertile. Par le feu et par le sel, le flux du sang du fils mort bat dans ses veines, et c’est comme s’il imprégnait plats et mets. La capillarité opère, les sucs circulent dans les viandes, tournoient dans les morceaux nobles comme une lave tectonique, irriguant de tendreté muscles, foie, rognons et tripes. Un dernier hommage hydrophore à ne surtout pas faire brûler.

Cendres aux cendres, poussière à la poussière ; ces expressions sèches au goût calciné peuvent aller se faire foutre. Pamphile n’était pas pulvérulent. Jamais ! Fluide, riche, cryptique, tout ce que vous voulez, mais jamais desséché. Ces préparations en sont la preuve. Il aimait la relation entre graisse et eau, la lente émulsion que seuls procurent le temps, le chaud, le sel, en justes proportions. « Il n’est d’autre cuisson que lente ! »… combien de fois ces mots avaient-ils retenti dans la grande maison, maintenant si vide, bondissant musicalement de son larynx hydraté, puissant.

Il allait falloir apprendre à vivre sans fils unique, sans ses tonitruations matutinales, sans cette ode permanente à la prévalence de la vie sur la mort. Les souvenirs remontent, comme les larmes dans ses yeux. Elle pensait avoir transpiré toute son eau au-dessus des fourneaux. Ne pas se laisser submerger par la vague salée. Celle qui commence au fond de la gorge : son goût iodé, ses crépitements uvulaires, comme de sucer un galet. Ravaler. On ravale. Son courroux l’emporte. Guizelle se tient.

Tiens, il n’y a toujours pas de nom pour les mères qui n’ont plus de fils. Guizelle inventera ça un autre jour : là, elle a trop introduit d’énergie dans la tambouille.

  • Les étapes de création

    Mon objectif est d'atteindre 990 € de pré-ventes afin de rendre possible la réalisation des maquettes, la correction, l'impression et la promotion. C'est pourquoi je fais appel à vous, auteurs, lecteurs et amoureux des mots ! Votre précommande permettra à mon projet de devenir réalité grâce à une équipe de professionnels. Votre appui me sera précieux et vous recevrez vos contreparties dès la fin de la campagne.