LA CANTATE DES INCERTITUDES
Les Tribulations amoureuses d’un jeune cinéaste.
Jacques Richard est à la fois cinéaste, peintre et romancier. On se souvient de l’affiche sulfureuse et interdite de son film « Ave Maria » avec Anna Karina, de “Rebelote » avec Jean-Pierre Léaud, et du « Fantôme d’Henri Langlois », ces deux films ayant été présentés au Festival de Cannes, et enfin de « L’Orpheline avec en plus un bras en moins », premier film de Noémie Merlant, avec Melvil Poupaud. En tout 88 films, dont une dizaine de longs-métrages. « La cantate des Incertitudes » est son troisième roman, après « Les Valeurs implicites » (2023) et « Les Passions adjacentes » (2024). Il avait également publié un livre d’entretiens « Le cinéma libertaire et libertin » aux Éditions Ecarlate en 2015, et sous le pseudonyme de Gwenaëlle de Maison Neuve, un exercice de style sur le sadomasochisme « Un Désir que l’on craint », auto-publié.
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« LA CANTATE DES INCERTITUDES » s’amuse à dépeindre le portrait d’un jeune cinéaste du genre romantique. Julien James, vingt-cinq ans, est à la fois en quête de son âme-sœur, et de la réalisation de ses films d’auteur. Ces deux objectifs se révèlent aussi complexes à atteindre l’un que l’autre et l’entraînent dans un road movie allant de la Grèce aux Etats-Unis, puis de la Grande-Bretagne en Irlande.
L’originalité de ce roman offre au lecteur de découvrir les réalités du parcours de combattant que représente le désir de faire exister des films. Comme la vie, il ne s’agit pas d’un long fleuve tranquille, il permet en quelque sorte de découvrir l’envers du décor, avec ses joies et ses déconvenues. Cette passion, plus encore qu’un métier, exige une détermination à toutes épreuves. « Never give up » disent les Américains (ne jamais lâcher prise) ! Les premiers lecteurs permettront de faire exister « ce chemin de vérité » qui dissipe les légendes et les faux-semblants autour du Septième Art. Le fil du récit distille habilement l’entrelacs des péripéties professionnelles et amoureuses, toujours avec distance et humour. Ce récit romanesque s’adresse aussi bien à la jeune génération fascinée par la création d’images et le cinéma, qu’à une génération plus âgée qui a aimé aller au cinéma, qui a fait rêver les générations de l’après-guerre à nos jours, et qui ne soupçonne pas les obstacles qu’il faut franchir pour qu’un film arrive jusqu’à leur salle de cinéma préférée. Si ce roman était un film, il pourrait faire penser à « Ed Wood » ou à « Ça tourne à Manhattan »
Julien James avait choisi d’être cinéaste à l’âge de quatorze ans après avoir suivi assidûment toute une année les séances du ciné-club de la ville d’Angers qui avaient lieu à cette époque tous les jeudis après-midi. La grande salle des Variétés, boulevard Foch, comprenait un balcon et des sièges d’orchestre au rez-de-chaussée. La plus grande salle de la ville avait été, comme souvent, un théâtre de music-hall avant de devenir un cinéma dans les années 20. Elle avait conservé ses loges à l’avant-scène ainsi que sur les balcons latéraux. Des strapontins étaient fixés au bout de chacune des rangées de fauteuils en mezzanine. Les jours de ciné-club, les filles étaient placées au balcon du premier étage, et les garçons à l’orchestre. Heureusement, un large escalier sur la droite permettait à Julien, une fois la lumière éteinte et le film commencé, de s’aventurer vers ce gynécée providentiel, parmi les chuchotements et les petits ricanements des filles. Ces conciliabules accompagnaient la quasi-totalité de la séance. Il cherchait alors dans l’obscurité où s’étaient placées Marie-Noëlle et Nicole, afin de s’asseoir à leur côté, puisqu’elles avaient l’une et l’autre éveillé ses premiers émois amoureux. Ainsi Julien doublait-il son plaisir, en conjuguant son éveil au cinéma à celui de sa libido. Les séances étaient suivies d’un débat dans une salle adjacente aux Variétés, la salle Chemellier. Là, un critique-cinéma de Paris était dépêché pour analyser le film, et permettre à ce jeune public de pénétrer les arcanes mystérieux de la mise en scène. Les films programmés étaient choisis en fonction de leurs qualités cinématographiques, mais aussi, et pour ne pas dire surtout, pour leurs qualités morales, puisque l’instigateur de ce rendez-vous mensuel était un médecin, notable de cette ville très catholique : le docteur Cady. Il avait choisi d’ailleurs pour établir le programme annuel, un aréopage de dames « très convenables » qui se réunissaient plusieurs fois par an à l’heure du thé, en vue de cette responsabilité culturelle et éthique. C’est ainsi que les films projetés la première année avaient été « La loi du silence » et « Le faux coupable » d’Hitchcock, « Au hasard Balthazar » et « Mouchette » de Bresson, « Les raisins de la colère » et « Qu’elle était verte ma vallée » de John Ford, « Douze hommes en colère » de Sidney Lumet… Toujours des films avec des questionnements moraux sur les choix et les conduites à tenir dans des situations de cas de conscience extrêmes. Dès la seconde année de son affiliation au ciné-club, Julien James avait proposé ses services pour la programmation. Son jeune âge avait bien sûr un peu surpris la responsable de l’association, mais elle n’était pas contre. Elle donnera sa réponse le mois suivant. En fait, cette charmante vieille fille voulait au préalable se renseigner auprès du proviseur du Lycée David d’Angers, où était scolarisé le postulant, sur sa personnalité et sa bonne conduite en général, préalable essentiel avant un quelconque engagement au sein du sérail. La réponse du proviseur ayant été sans réserve, sans s’étendre d’ailleurs outre mesure sur la personnalité de Julien James, qu’il ne connaissait qu’à peine, ce dernier fut admis au cérémonial du thé délibératif, en qualité d’« observateur muet », pour la première année. Mais ces vieilles bigotes eurent vite fait d’insupporter Julien qui, l’année suivante, créa son propre ciné-club.
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