J’ai passé l’été de mes 13 ans dans une calanque. La quasi-liberté dont je jouissais dans un lieu magnifique et simple, populaire et si vivant, m’a profondément marqué. Bien des années plus tard, lorsque j’ai décidé d’écrire un roman, j’ai voulu m’accrocher à un souvenir comme point de départ de mon récit, comme on s’accroche à un garde-fou.

Durant l’été 1983, un jeune Marseillais de 13 ans, Tidou, passe ses vacances d’été dans le cabanon d’amis de sa famille, situé dans une calanque. Il ne se doute pas un instant que cela va conditionner le reste de sa vie, car il va y rencontrer des compagnons de jeu qui deviendront les compagnons d’une vie.

Ce roman d’apprentissage nous permettra d’accompagner Tidou, Mimigue et les jumelles Claude et Sophie dans leur découverte de la vie, dans les joies et les peines qui la jalonnent. Le temps qui passe est un des ressorts de ce récit qui associe mélancolie, nostalgie, mais également optimisme, car la calanque renoue toujours les liens qui se délitent.

Extrait de  La Calanque  par Frédéric Chabaud

« 2022″

« Nous étions en mai. C’est un moment où le printemps est bien amorcé et où l’été pointe son nez. Les journées s’allongent inexorablement, la nature se pare de couleurs vives, la température est douce et incite à sortir, à vivre. Tout foisonne, tout est synonyme de renouveau. Aujourd’hui, il fait très chaud, le soleil est haut dans le ciel où aucun nuage ne vient gâcher le tableau. Une légère brise marine rafraîchit le groupe qui marche péniblement sur le sentier de la calanque. Ce chemin, ils l’ont parcouru tant et tant de fois, et pourtant, ils ne le reconnaissent pas. Ils avancent d’un pas hésitant, trébuchant sur les rocailles. Enfin, ils se retrouvent sur un rocher faisant office de parapet. De là, ils surplombent la mer et tous savent que sous leurs pieds, se trouve une petite grotte dont l’entrée est à un peu plus d’un mètre sous la surface de l’eau. Les souvenirs fusent, ils y sont tous allés, ils y ont tous passé des moments joyeux, secrets, douloureux, intenses et intimes.

Se retrouver ici, après tout ce temps, entame inévitablement les fondations des forteresses émotionnelles que certains se sont bâties et les sentiments, tout comme l’eau, se frayent un passage parmi les moindres lézardes. Bientôt, les défenses cèdent et de timides larmes coulent sur les joues. Comme un signal, les premiers sanglots se transforment en longues plaintes étouffées et, les uns après les autres, ils laissent libre cours à leur tristesse. Ils s’étaient pourtant tous juré de ne pas pleurer, mais comment serait-ce possible ? Avec cette vie qui était partie, c’est un peu de la leur qui s’en était allée. Leur enfance, leur jeunesse s’éloignaient. Enfin, une main ouvrit l’urne. Une poussière grise, qui autrefois était un être humain, s’envola au gré des vents. Ils la regardèrent virevolter puis disparaître. »