Ma respiration c’est écrire. Depuis l’âge de 14 ans, j’ai rédigé les mémoires de guerre de mon père : « Moi aussi j’ai fait la guerre ». Je signe EBH par timidité maladive. J’ai toujours besoin d’avoir un stylo et du papier à portée de main. Mais, la vie est sinueuse et ce n’est qu’à partir de 46 ans que j’ai pu me consacrer à l’écriture. Mon premier roman « Un Cri » a été publié en 2000 et depuis j’écris sans cesse. En 2020, j’ai publié un livre jeunesse « Myosotis et Pirouette » ; ma fille l’a illustré et j’ai écrit le texte, depuis nous faisons des lectures en kamishibai en famille. Ma seconde famille est toute la nature et tous les animaux. La lecture, la musique, le jardinage, l’amitié complètent le temps qu’il me reste car avant tout chose, c’est écrire qui m’importe le plus.

Je suis une personne qui préfère s’exprimer par écrit plutôt qu’oralement. Aussi, créer une histoire avec des personnages me permet par leur intermédiaire de formuler mes pensées, mes espoirs, mes regrets, mes joies et mes peines, bien que ceux-ci ne se laissent pas faire et suivent leur chemin de vie. Ce qui m’intéresse, c’est de découvrir les époques, les cultures, les ustensiles, les vêtements. Ces recherches me demandent du temps mais j’en ai besoin pour bien m’imprégner afin que mes personnages soient au plus près possibles de la réalité de l’instant choisi.

Ce n’est pas un projet en soi, mais une évidence pour moi d’écrire ce livre et en rendant hommage à toutes ces héroïnes qui se sont battues pour leur liberté. Les femmes au Moyen Âge devaient être soumises aux hommes, car elles étaient jugées inférieures à eux. Les femmes n’ont pas les mêmes droits que les hommes. À l’échelle d’une commune, d’une seigneurie où d’un royaume, l’exercice et la transmission du pouvoir sont majoritairement masculin. L’asymétrie entre les sexes a aussi des implications juridiques et politiques. Les femmes, « éternelles mineures », doivent être sous la coupe des hommes et n’ont pas à gouverner mais l’éducation que donne le chevalier François de Fougerolles à ses filles à la manière des chevaliers est révolutionnaire et intolérable à l’époque. Comment un homme de ce rang peut éduquer ses filles de cette manière ?
Pourtant cette soumission féminine n’a pas empêché certaines femmes d’exercer un réel pouvoir au Moyen Âge. N’oublions pas que les femmes peuvent accéder au fief s’il n’y a pas d’héritiers mâles. Dans de nombreux systèmes de dévolution des biens, celles-ci, héritières de second rang en l’absence de progéniture mâle, ont donc pu acquérir le fief familial principal, le nom et les armes du père.
On ne peut écrire sur le moyen-âge sans parler de sorcellerie. La sorcière est le symbole de la femme et de sa lutte pour exister. Aujourd’hui, une sorcière est un « rempart » contre le sexisme, peut-être la plus radicale de la femme, avec son pouvoir qui n’appartient qu’à la gent féminine, une sensibilité et une empathie intrinsèques qui lui sont exclusives. Les sorcières d’aujourd’hui sont en rébellion, revenues dans l’ère #metoo, belles figures de la clandestinité et de l’affranchissement. Elles prolongent les luttes féministes, avec ce combat ancestral et malheureusement toujours d’actualité l’avortement et l’éducation. Malheureusement, nous devons nous battre encore aujourd’hui pour que toutes les nations respectent le droit des femmes et des enfants.

Extrait

… Munies du haubert sous une chemise de drap, jambières en cotte de mailles en fer, la têtière sous la tête sur laquelle un casque à visière est calé, les fillettes de tout temps, sauf lorsque l’hiver est trop rude, courent, sautent par-dessus les taillis, grimpent aux arbres. Lorsque la neige est épaisse et blanchit toute la campagne, elles ont droit au repos. Au coin de la grande cheminée toute noire, alors que les serviteurs servent les repas, elles discutent. Dans la soirée, elles jouent aux devinettes ou à colin Maillard ou elles chantent tandis que Mathie brode et François se remémore sa vie de chevalier. Parfois, elles chantent ou jouent de la musique. C’est un troubadour qui passait à Nizerolles qui leur a appris la musique. Guillaumette a une jolie voix, elle aime chanter le chant de l’alouette, le moulinet et auprès de la rose, ses sœurs l’accompagnent de la flute à bec et de la viole. Mais, ce que les enfants préfèrent, c’est écouter dans un silence d’église leur père raconter sa bataille de Marignan. Elles ne s’en lassent jamais. Elles ne savent ni broder ni faire la cuisine, elles ne savent que jouer de l’épée et se battre. Elles pensent sans cesse à la clairière quand le soleil éparpille ses éclats d’or sur les généreux noyers qui les encerclent et aux couleurs des saisons, riantes au printemps, douces en été, flamboyantes en automne, frissonnantes en hiver. Elles ne craignent pas la pluie quand les fines gouttelettes brillent sur leurs épées. Le visage rouge, les mains bleuies par le froid, cette petite chevalerie obéit à François pour lui plaire. Cela engendre de nombreux commentaires dans le bourg et jusqu’au château.
— A-t-on idée d’élever des filles de cette façon ?
— On n’a jamais vu ça !
— Elles ne trouveront jamais de mari ces pauvres gosses.
Même le curé ne se prive pas à la messe pour agiter le diable au-dessus de la famille de Fougerolles « les filles doivent savoir coudre, broder, travailler au champ, à la basse-cour, préparer les repas, les filles doivent rester à leur place et ne pas se comporter comme des garçons »…