Trois femmes, trois parcours qui vont se croiser.
Mathilde, enfant adoptée, la succession d’une mère au passif chargé. Un héritage à partager avec une demi-sœur Emma, inconnue d’elle, établie à Bruges.

Daphné, l’amie d’enfance de Mathilde. Les années collège à Clisson, dans le vignoble nantais. Elle aussi en quête d’identité.

Tout se noue et se dénoue à Bruges en hiver, loin de tout apparat touristique, dans une ville secrète qui influe sur les âmes les plus rétives.

Comme dans un triptyque flamand, de l’enfance à l’âge adulte, s’approprier son histoire pour prendre son envol.

Extrait

Mathilde arrive ainsi, sans plus de complications, devant le musée Groeninge…
Elle s’attarde devant un triptyque œuvre d’un illustre inconnu en tout cas pour elle, Edmond van Hove « Historia-Tempus-Legenda »….
Elle est si concentrée qu’elle pourrait donner l’impression de vouloir rentrer dans le tableau. Elle a le sentiment qu’il a été peint pour elle, rien que le titre lui parle. Elle revient au cartouche d’identification : « Histoire, Temps, Légende » avec le sentiment que toute vie se résume dans ce titre. Elle quitte cet état de tension, s’apaise pour profiter du tableau. Elle en est persuadée, l’artiste a voulu transmettre un sujet de réflexion sur la vie. Mathilde veut trouver la résonance et l’écho qui lui sont destinés. Cela lui rappelle le grand tableau de Gauguin : « D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » Elle l’a vu à Boston et il l’avait fascinée. Ce van Hove n’a pas la pointure de Gauguin, c’est un « pompier » mais il a de l’esprit, de la finesse…

La chaleur lui fait du bien et le thé, très fumé, la revigore. Les scones sont délicieux. Le tableau du musée lui revient en mémoire, il l’a vraiment touchée. Ne résume-t-il pas l’essentiel : L’historien travaille sur archives. Le Temps les détruit. D’où la légende ! C’est tout bête. Elle repense alors à son histoire, au cahier qui l’attend dans le chevet. Non ! Pas son histoire, mais celle que Jeanne Bouvet veut lui léguer. Un héritage qui ne se rattache à aucune filiation de cœur, bien au contraire. D’un mouvement involontaire elle hausse les épaules comme pour repousser cette épreuve. Ce sera ce soir, c’est décidé ! Elle va prendre connaissance des confidences de cette femme, et faire ensuite le grand ménage dans sa tête. Ce tableau, la sérénité un peu désabusée qui s’en dégage, lui donne la force pour prendre sa vie en main. Elle reste un long moment, songeuse, indifférente au va et vient des tables voisines. Sa tasse est vide depuis longtemps quand elle se décide enfin à reprendre son périple.