Résumé : 

Lorsque je rembobine le film de ma vie, revivent en moi ces images qui ont muré mon existence dans un silence anormal. Ma mémoire n’a de cesse que de hanter mon esprit, elle enchaine souvenirs plombés de traques, de violences insoutenables et me bouscule inévitablement dans l’enfer indélébile de ma jeunesse, comme pour me rappeler qu’il m’a brûlée à tout jamais.

Ne serait-ce qu’un instant, pourrait-on imaginer qu’un individu censé être de son sang, nous fasse endurer le supplice, la terreur ? Adieu mon enfance adorée, éphémère, adieu toi dont j’ai si souvent rêvée en secret, celle que je n’ai jamais eue. Lui pardonner ? Moi seule connais la réponse depuis toujours. Si certains ne s’expriment pas, si les morts qui ont eux aussi ont souffert ne parlent pas, moi je suis encore vivante, alors je parle.

Extrait : 

« D’un seul coup, elle plante ses ongles dans ma peau tel des aiguilles et mélange cruellement mon sang avec l’impureté de ses doigts de sorcière puis les retire brutalement de ma chair, satisfaite et rassasiée de son acte. Je ne bouge plus, je crains comme un petit agneau fébrile qui semble sortir de l’abattoir. Je tremble à l’idée de la voir revenir, mais on dirait qu’elle a fini de passer ses nerfs. Alors d’un pas lourd et lent, la créature s’en retourne l’air vainqueur. Elle regarde autour d’elle affichant un sourire sadiquement innocent. L’impact de ses griffes me rappelle ce que je viens d’endurer. J’ai mal, j’ai froid, mais je ne bouge pas, je n’en n’ai ni le droit, ni le choix. La gorge me pique mais je ne pleure pas, je puise juste un peu de force au fond de moi pour m’emplir de courage que je trouve je ne sais où. Comme il m’est interdit de dormir je regarde autour de moi, je n’ai que cela à faire. Je me sens ridicule d’avoir imaginé que quelqu’un aurait pu se lever et se jeter sur elle. Sous les lumières éteintes, il n’y a que des regards invisibles, des gens qui dorment, des gens de ma famille.

Immobile, je ne suis pas morte, mais c’est tout comme. J’arrive encore à sentir ma tête et mon cœur, mais dans quel état ! Il ne me reste plus que la liberté de penser, alors je cherche Maman : « Où es-tu Maman ? J’ai tant besoin de toi. Je voudrais tant que tu mes prennes dans tes bras, que tu me berces, que tu me protèges, mais tu ne viens pas, d’ailleurs, tu ne viens jamais. Je n’ai que quatre ans Maman… » On dirait que la fièvre me gagne peu à peu. Je meurs et pourtant, je viens de naître. Les cauchemars éveillés défilent et se répètent. Encore une autre nuit, une qui ressemble à toutes les autres, mais comme un être humain qui commence à ne plus l’être, je souffre en silence et non, on ne s’habitue pas à tout ».