L’Imprévu, c’est d’abord un café, en bas de chez moi. Jolie terrasse piétonne éclairée par des lampions l’été. C’est aussi le point de départ d’une nouvelle qui oscille entre récit long et court roman. Il y est question d’un voyage en famille au Sri Lanka et d’une excursion au sommet d’une montagne qui tourne au fiasco. Souvenirs d’une jeune femme à qui l’on demande, dix ans plus tard, de gravir à nouveau une montagne réputée magique afin d’accomplir son destin. Cette montée initiatique, échouée la première fois, va colorer sa nouvelle vie d’une lumière très étrange. Un moine inquiétant, une sœur mutique, une mère énigmatique vont bouleverser son chemin.

L’Imprévu, ce sont aussi plein d’autres Imprévus : une femme séquestrée sauvée par un aveugle, un canoë qui renverse son occupante dans l’eau glacée de la rivière, une rencontre improbable entre une Japonaise lutin et un livreur de livres, un héritage spolié, un manuscrit égaré, un chalet réquisitionné par une bande d’escrocs un jour d’orage, un frigo écolo, une agente secrète dans un TGV, des allées de supermarché qui ravissent un mari sportif, une fugue éphémère… et dans chacun de ces univers disparates, un discret dessin tatoué quelque part.

Onze histoires qui partent du réel, d’un quotidien dans lequel chacun pourra se reconnaître. Parfois elles s’en échappent, s’évadent…

Extrait d’Imprévus de Cécile Denier

Il pleuvait sans discontinuer depuis trois jours. Des éclairs s’étaient mêlés à l’ambiance apocalyptique qui plombait les journées du groupe réuni dans le chalet. Ils avaient enchaîné bières, stratégies et biscuits rassis. Rien d’autre à se mettre sous la dent et impossible de mettre le nez dehors pour se réapprovisionner. L’un d’eux trouva une pomme, oubliée dans une assiette de la cuisine abandonnée. Il la croqua discrètement, sans la partager, ce qui enflamma les esprits déjà très échauffés. Il n’en fallut pas plus pour que les quatre autres décident de l’exclure. Il se retrouva attaché et bâillonné dans la buanderie. Il faisait face au baron, l’otage enfermé là depuis trois jours, l’otage dont on discutait le sort à l’étage. Un échange curieux démarra entre les deux hommes, une complicité de regards, de gestes douloureux et de grognements. Faire front, se liguer, ne pas céder aux barbares tatoués du salon.

Ils avaient pourtant tout bien organisé, calculé, échafaudé un plan sans faille, sans risque, 100% in-ra-table, comme le répétait le petit barbu à qui voulait l’entendre. Arrête de le clamer sur tous les toits, on va se faire repérer à force, t’es con ou quoi. Ses compagnons de route l’avaient écouté, d’abord d’une oreille distraite, puis avaient fini par le suivre dans sa folie des grandeurs, malgré leur agacement, attirés par l’argent facile et le bagou finalement assez convaincant du jeune serveur. Mon patron, il connaît tellement de monde. Dans ses clients, il a un mec plein aux as, tellement blindé de fric qu’il sait plus quoi en faire, il va même pas s’en rendre compte si on lui pique quelques millions. Tous les jours, il trimballe des mallettes bourrées de billets de banque. Il trempe dans un trafic bien chelou, je veux même pas savoir quoi. On le kidnappe, on lui pique sa valise, toujours ça de pris, et on l’oblige à nous inclure dans ses histoires. Une commission sur chaque transaction, et hop, dans la poche. C’est un type de la haute en plus, un vicomte, un duc ou un truc du genre. Avec ses petites affaires pas nettes, il va pas la ramener, je te le garantis. 

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