Humphrey, autiste de 11 ans, vit seul avec sa mère Marie, qui est condamnée ; son cancer évolue, inexorablement. En outre, celle-ci en est persuadée : son enfant change. Un incident surgit, prélude à un bouleversement des certitudes de la mère : une communication parfaite éphémère et une interaction sociale adaptée de la chair de sa chair.

De connivence, son fils lui dévoile enfin l’existence d’un monde où les autistes s’épanouissent et peuvent montrer leurs réels potentiels indispensables au bon équilibre, et à la prospérité de l’humanité.

Activement recherché, le don de Humphrey bousculera peut-être l’ordre établi.
Et si le monde que nous connaissons — le nôtre, le monde originel — n’existait que grâce aux Drusen ? Et si leurs actions influençaient les découvertes majeures, les inventions humaines, les chefs-d’œuvre de la littérature, de la peinture, de la sculpture ? …
Inspiré par une vaste bibliographie, ce récit dans lequel littérature, histoire, art, science, médecine et neurosciences s’enchevêtrent pour créer l’intrigue fusionne la réalité à la fiction.

Extrait

Réfugié dans ses bras, Humphrey appréciait les caresses. Elle s’assit, et ses genoux accueillirent la chair de sa chair. La mère et le fils se scrutèrent. Étonnée par une aisance relationnelle visuelle intense, elle se mit à pleurer à chaudes larmes. La surprise était de taille : l’autisme avait volé à son enfant cette synchronisation avec le monde extérieur.
Impatiente, elle commença rapidement la conversation :
« Tu vas bien ?
— Oui, maman.
— Tu n’as pas eu peur ?
— Bien sûr que non ! Tu sais que je viens ici depuis que j’ai l’âge de trois ans. J’ai beaucoup appris : beaucoup plus qu’à l’école, et qu’à l’institution. Dans notre monde, les gens ne me comprennent pas. Je suis quand même mieux, ici. »

À la fois surprise et émerveillée par ce discours mature, dont la syntaxe et la pragmatique respectaient les règles les plus élémentaires de grammaire, elle ne put s’empêcher de s’interroger sur cette facilité déconcertante − jamais Humphrey n’avait parlé de la sorte. Elle se souvint de l’orthophoniste de son fils ; l’honneur lui avait été donné d’assister à une telle prouesse déstabilisante, mais enviable pour une mère.

« Je te comprends. Mais je suis ta maman… et je m’inquiète pour toi, c’est normal.
— Ne t’inquiète pas, maman, je suis grand.
— Une mère s’inquiète toujours pour son fils, tu sais.
— J’ai lu beaucoup de livres à la bibliothèque, dit-il en attrapant des cacahuètes qu’il ingurgita avec délectation. Mmmm, je les adore.
— Je l’ignorais…
— Pourquoi tu n’en achètes pas ?
— Des livres ou des cacahuètes ?
— Des cacahuètes !
— C’est dangereux, tu risques de t’étouffer, tu sais.
— D’accord, je comprends… j’ai bien aimé récemment Tristan et Iseult, confia-t-il en passant du coq à l’âne d’un ton jovial.
— Ah, bon ?
— Plein d’autres livres aussi.
— Je suis fière de toi, mon fils. »

À la fin de cette conversation insolite, qu’elle n’aurait probablement jamais eue avec son fils dans le monde originel — elle en était consciente −, les deux protagonistes de ces retrouvailles uniques en son genre se turent ; ils savouraient cet instant magique, puis s’enlacèrent affectueusement.