À la relecture de mes nouvelles, je me redécouvre moi-même avec, en filigrane constant, une certaine forme de solitude qui a habité toute mon enfance et que j’avais oubliée. Entre internat et colonies de vacances, mon enfance s’est essentiellement passée comme sur une île déserte, ailleurs.

Ce recueil de 40 nouvelles inattendues, comme autant de mini tragédies, à quelques exceptions près, fait voyager dans un archipel inconnu, entre rêve, mirage et souvent cauchemar ; réalité ordinaire, absurde, humour et fantastique, un univers à la fois familier et insolite, dans lequel chaque petit îlot est habité par un personnage qui « nous ressemble comme un frère ».
Le personnage, parfois un ange ou la mort, le plus souvent un homme, seul, raconte, parfois à la première personne, comment un événement souvent des plus anodins, fait soudain basculer sa vie, une vie fragile, marquée par la solitude, l’insécurité et l’impuissance, sous-tendue par la quête désespérée de la protection, de la fraternité, de la tendresse, de l’amour de la mère et de la femme, en deux mots, « l’âme sœur », titre d’une des dernières nouvelles.
Et bien sûr, règles de la nouvelle obligent, la fin tombe comme un couperet… mais pas toujours !

Extrait

« Mais qui êtes-vous ? » demanda Dawnson. L’homme se contenta de garder son énigmatique sourire. Puis il se mit à parler, doucement, comme lors de leur première rencontre.
« Peu importe qui je suis », dit-il, « moi, je sais qui tu es. Je sais que tu as cherché longtemps comment tu pourrais recommencer ta vie, comment tu pourrais effacer le passé. Tu es comme tous les autres, je te rassure, tu n’as rien de très original ». Il sourit. « Ta vie, elle était ce que tu avais voulu en faire et tu as voulu quand même tout recommencer. La mer ? Tu pensais qu’elle serait ton ultime refuge. C’est grâce à moi que tu es là, t’en souviens-tu ? » Dawnson acquiesça. « Eh bien, il fallait absolument que tu trouves cet embarquement. Cet ultime refuge que tu espérais, je te l’ai offert et, crois-moi, peu importe que mon navire ne suive pas le cap affiché », dit-il en montrant les cartons au-dessus du compas.
Il se tut et contempla Dawnson. Son sourire ne l’avait pas quitté. Dawnson, pétrifié, resta de longues secondes sans bouger. Et puis, comme hébété, il s’entendit dire : « Mais… Qui êtes-vous exactement ? »
L’homme le contempla un moment puis se tourna vers la barre. Il resta un bref instant silencieux puis regarda à nouveau Dawnson.

« On m’appelle le passeur » dit-il.