« Souviens-toi de cette époque, les attaques de diligence… Depuis, d’énormes progrès ont vu le jour, on a remplacé les chevaux…»
Au-delà de ce cliché ironique, Antonin, en bon spécialiste des questions de sécurité, confie à son ami toute son amertume : une criminalité endémique, l’argent roi… et résume à sa façon le tragique fait divers qui vient de se produire dans la région. Nous sommes en 2015. Paul l’écoute, sans se douter qu’un drame est en train de se jouer et va bouleverser leurs vies.

J’ai voulu me rapprocher d’un grand polar contemporain avec une fiction inspirée d’une actualité bien sombre. Un inspecteur de la police de Londres en lien avec Interpole collabore avec les autorités en place sur une enquête qui s’annonce perturbante. Les lecteurs pourront découvrir un scénario qui tient en haleine jusqu’aux dernières pages.

Dans cette affaire diabolique, l’amitié, ce frêle esquif qui ne peut supporter que deux personnes par beau temps, côtoie la trahison. Il me reste à souhaiter qu’une histoire comme celle-là n’arrive à personne…

Extrait de Au surgissement de l’aube par Jean Fred

« —  C’est tout de même ahurissant, la situation semble vous avoir complètement échappé et, je vous en prie, n’en rajoutez pas. Si je m’en tiens à votre rapport, vos hommes ont délibérément relâché leur vigilance. Avec son ton calme et rassurant, le colonel Bertrand n’était pas du genre à se laisser monter sur les brodequins par ce jeune procureur au tempérament impétueux.
— Ne confondons pas victimes et responsables. On peut évoquer une vigilance relâchée dans la mesure où ils ont dû faire face… disons, à un contexte indépendant de leur volonté. L’accident nous interroge : il s’agit d’un acte délibéré, avec un chauffard en fuite et un véhicule volé. Nos effectifs sont mobilisés pour remettre la main sur le fugitif… enfin, Paul Sanville.
Léonard Dumontel intervint :
— Monsieur le procureur, la thèse selon laquelle il aurait profité de la situation ne collerait pas…
— Tiens donc !
— Nous avons enregistré des témoignages crédibles qui joueraient en sa faveur.
— Et sur quoi sont-ils fondés ?
Le capitaine risqua un œil furtif en direction de son supérieur et comprit son erreur. À ce stade de l’enquête, le colonel Bertrand ne souhaitait pas communiquer, il réglait d’abord ses comptes avec le défenseur de l’ordre public.
— Notre homme pourrait avoir été victime d’un rapt.
— L’arroseur arrosé, quoi… fulmina le magistrat.
— Non, plutôt une affaire dans l’affaire. L’accident ne relevant pas du hasard, nous prenons ces témoignages au sérieux, admit avec autorité le haut gradé qui regrettait cette passe d’armes inutile à propos des rebondissements récents.
— Et ce Connor Wilson, il semble s’opposer à vos arguments…
— C’est un enquêteur tenace et obsessionnel, tout à fait libre d’agir comme il le souhaite dans le cadre de sa mission, monsieur le procureur.
— Et donc, ce policier exceptionnel a ses raisons que la raison ne connaît pas !
Le colonel coupa court à ces insinuations.
— Ne perdons pas notre énergie. Nous coopérons en bonne intelligence et dans le strict respect des conventions passées. L’inspecteur Wilson est un éminent criminologue, une très grosse pointure, et puis, c’est un sujet protégé de la reine, lui lança-t-il avec une inflexion mâtinée d’ironie.
— Notre Sherlock est animé d’une intime conviction : pour lui, Sanville serait une victime expiatoire, se risqua à nouveau Dumontel.
— Avec du sang sur les mains, voyons donc !
— Les charges sont en effet accablantes et l’audition peu convaincante, le déferrement s’imposait.
— Alors, la messe est dite.
Le magistrat piqué au vif décrocha le combiné de son poste fixe, sa façon très peu élégante de congédier les deux officiers :
— Excusez-moi, j’ai un rendez-vous téléphonique. À ce stade de l’enquête, mieux vaut tenir la presse éloignée. Messieurs, je vous laisse à vos affaires. »