Avec Archange je me suis attaqué à un thème incontournable de romancier qu’est la métamorphose presque divine de l’humain en être animé de pouvoirs absolus. J’ai abordé ce sujet sous un angle personnel novateur. Et si au lieu de chercher notre dépassement nous changions de corps pour un hôte moins nuisible pour lui-même ? Loup garou, vampire, dédoublement de personnalité, costumes masqués ayant échoués, comme une révélation évidente Camille s’imposa dans mon esprit, mes mains, ma plume. Comme un sacrifice j’offrais ce personnage à un savant sans limite obsessionnellement persuadé de pouvoir sauver la planète et son humanité vouée à s’éteindre. Mon fil rouge devint alors une mèche explosive, incandescente incontrôlable. Ma créature m’avait échappée au fil des chapitres et rien ne pourra l’arrêter.
L’originalité de ce cinquième roman tient à mon regard sur notre époque où l’immobilisme général va conduire l’humanité tout entière dans un gouffre sans fond. N’étant pas adepte de l’autoflagellation, c’est avec une certaine dureté et humour que j’ai défriché, puis tracé un chemin pour échapper à cette pente savonneuse sur laquelle nous sommes tous attelés. Ce livre lisible à plusieurs degrés, drôle et bourré de situations rocambolesques, efface par des pages savoureuses toute mon amertume sur le monde inhospitalier, nos comportements mesquins, notre fuite en avant. Depuis le lycée Molière j’ai entassé, rédigé dans mon atelier de joaillier plus d’ouvrages que de lingots. Il est fascinant de voir que le savoir d’auteurs géniaux somnole sur nos étagères poussiéreuses alors que l’avoir s’étale outrageusement au grand public quitte à se bruler les ailes. Mon Archange lui, ne craindra rien de ces maux, mais qui est-il en définitive ?

Extrait

Après ce rêve bouleversant cloué dans mon cerveau, liquéfiant la moelle de mes os, une sensation de tiédeur nauséeuse suivie d’une douleur foudroyante comme la hache qui éclate la buche gicla dans mes artères.
J’avais recueilli dans ma boite crânienne devenue un creuset éventré par du plomb incandescent, ce gout métallique qui me fit grincer des dents, puis en sueur après cette fusion bouillonnante je me suis éveillé et non réveillé. J’insiste bien sur ce point précis, éveillé oui ! éveillé, car ce matin augurait d’une journée exceptionnelle mon corps jubilant de cette quasi-résurrection. Quelque chose dans ce rêve d’une danse acrobatique pour le moins étrange avait chamboulé ma vie. Depuis l’enfance je désirais de manière obsessionnelle ce qui du tréfonds de cette nuit avait pris forme en mon cerveau envahi par les images qu’il s’était inventé. Abandonné aux plumes de ma couette j’avais été le théâtre d’une fusion entre l’homo sapiens et les anges. Mon Dieu ! qui n’a pas rêvé de voler de par le monde au-dessus de tout, fuyant ce cul de basse-fosse où nous végétons. Je m’étais surement débattu dans la sueur et les plumes engluées par ce fantasme ! D’ailleurs, au réveil en nage acide, collant des cuisses, j’avais retrouvé ma couette en plume d’oie au pied du lit comme rejetée par le rêve devenu presque réalité, j’avais subi cette surchauffe, suivit d’un réveil glacé. Fatigué par ce froid engourdissant mon corps. Accoudé à la fenêtre comme un vinyle rayé je me repassais en boucle des bribes du rêve peut être prémonitoire en touillant un café bien trop noir pour y lire l’avenir.