Entretien avec Yves Ray Talpaert – De rien
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
Au vu des 10 livres de mécanique théorique et de géométrie différentielle, avec leurs 4000 pages d’énoncés et démonstrations, j’aurais dû être blasé par cet excès d’écriture. Il n’en a rien été comme le prouve le roman « De Rien ». Un diplôme européen de dissertation obtenu dans l’enseignement secondaire, et la littérature française s’est rappelée à mon bon souvenir ! Peut-être pour le plus grand plaisir du lecteur ?
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
Ce roman « sucré-salé » peut affriander des esprits curieux des choses de l’Univers. Des lecteurs ont apprécié cette approche vulgarisée des connaissances universelles. D’autres se sont régalés d’anecdotes aussi loufoques que véridiques. Les littéraires et les scientifiques n’ont naturellement pas la même lecture. L’auteur, qui ne veut nullement convaincre, ne se plaindra pas de la multiplicité des réactions.
Certains lecteurs ne sont pas restés indifférents à des prédictions de visionnaire. Une directrice de comité de lecture, à qui je suggère l’abandon de la plume pour le plumeau, s’est même autorisée la qualification de « frappadingue ».
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
Aucun risque n’est pris dans l’écriture d’un livre de mathématique dès lors que le raisonnement est exact, l’écriture d’un roman est plus périlleuse puisque l’interprétable est souhaitable.
L’écrivain scientifique, spécialisé dans les domaines de la mathématique et de la physique théorique, éprouve une appréhension bien naturelle lorsqu’il s’attèle à l’écriture d’un roman. La tâche est moins rude lorsqu’il peut « se reposer » sur des notions scientifiques vulgarisées, bien que ce soit un travail d’équilibriste entre le « trop » et le « trop peu ». Mes éditeurs scientifiques (USA, Europe,…) avaient, dans leur grande majorité, des « editorial boards » garantissant la qualité de la publication ; les éditeurs de littérature française n’ont pas en général cette exigence. Ce problème est d’ailleurs évoqué dans le roman. Plus particulièrement, j’ai trouvé auprès des éditions Maïa, une écoute peu souvent répandue dans le paysage français de la littérature. Cette maison fait du respect de l’auteur une de ses priorités dans un contexte d’éthique et de durabilité du livre.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
Les premiers lecteurs ont tous remarqué l’étrangeté du roman quant à sa structure aussi bien au niveau spatial que temporel. Si pour la plupart, ils n’ont pas découvert le statut de l’Inspecteur à l’issue du premier épisode, l’état de cet inspecteur est apparu incontournable par la suite. Des réflexions métaphysiques n’ont pas « allumé » certains lecteurs, car le sens de la formule a gommé beaucoup d’aspérités…
Par ailleurs, les photons amoureux ont mis en lumière une jeune femme, autrice du roman dans le roman, laquelle narre des péripéties surprenantes dont son compagnon est le héros.
Le dernier épisode, relatif au tribunal cosmologique, a surpris plusieurs lecteurs par son audace. A la lecture un peu plus délicate, cet épisode futuriste présente, preuves à l’appui, la naissance de l’Univers et l’évolution à laquelle on peut s’attendre.
J’utiliserai la terminologie « densité d’originalité moyenne » pour qualifier le rapport entre le nombre total d’idées originales et le nombre total de pages. J’ai tenté de rendre ce rapport le plus élevé possible sans « saturer » le lecteur. Comment ? En divertissant ce dernier d’histoires parfois exotiques, parfois belges, souvent hexagonales. Sans pour autant que le fil conducteur ne se rompe.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
Aussi certain que Mathématique est parfaitement le code de l’Univers autogène, aussi convaincu que la Philosophie est idéalement celui de l’homme, je me garderais bien d’indiquer une méthode d’écriture. Point de rituels, point d’astuces, seulement des dispositions pour la liberté de l’œuvre. D’une façon générale, le génial mathématicien Henri Poincaré ne nous a-t-il pas rappelé : « La pensée ne doit jamais se soumettre… »
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
Au stade actuel, évoquer un prochain livre ne serait-ce pas un début de liberticide ? Je me garderais bien de laisser échapper des quanta de liberté !
Yves Ray Talpaert, auteur de De rien, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.