Entretien avec Roland Goeller – Retrouvailles, nouvelles de la langue interdite
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
La parution d’un livre est toujours un moment de fierté, d’appréhension et d’émotion. Le livre se détache de son auteur comme le fruit d’un arbre. Il va désormais « vivre sa vie », avec ses qualités et ses défauts, ses imperfections et ses fenêtres de lumière. Émotion de patriarche qui « lance » son rejeton dans le monde.
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
Premiers retours positifs. Les premiers lecteurs ont « retrouvé » l’Alsace qu’ils connaissaient, d’autres ont découvert un monde dont ils se faisaient une fausse idée. Ils ont été touchés par les personnages, notamment Joseph…
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
Le livre est une réflexion sur la langue et la mémoire. La mémoire – alsacienne- est bilingue, bicéphale, bi-culturelle. Elle comporte deux côtés distincts, les souvenirs sont inscrits d’un côté ou de l’autre, en fonction de la langue dans laquelle ils ont été vécu. L’auteur a connu une vie essentiellement française, ses aïeux cependant parlent en lui, et ils parlent dans l’autre langue, laquelle, comme l’on sait, a été frappée d’infamie et d’interdit. Il y eut des heures sombres, certes, mais il y eut aussi des heures de lumière, cf. les deux poètes évoqués dans le recueil, Chamisso et Walter Flex. Peut-être l’originalité du livre tient-elle dans cette tentative de réhabilitation et dans cette autre tentative de faire passer la mémoire, sans la dissoudre, d’une langue dans l’autre.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
Retrouvailles est un recueil de nouvelles, pièces d’écriture brèves, dépouillées, qui tournent autour d’un personnage. Il y a un moment initial. Le personnage, le moment et l’intrigue surgissent en même temps. Mais le premier jet est toujours encombré de scories, tel un minerai dont il convient d’extraire les pépites. S’en suit un inlassable travail de perfection formelle. Le texte final doit couler de source. Avec le temps, écrire devient par ailleurs une seconde respiration. La vie surgit et foisonne, la respiration permet de s’adapter aux circonstances, de surfer sur la vague. L’écriture permet de plonger dans les profondeurs et de sentir la lame de fond, ce qui est important et que le tumulte du monde ne permet pas toujours de percevoir. Pas de lieu particulier propice à l’écriture, mais une condition, la solitude, une certaine solitude. Écrire dans le train, à la table de travail ou au milieu d’une foule, mais séparé d’elle. Pour entendre sa voix, il faut s’éloigner des voix du monde, mais celui qui n’écoute pas les voix du monde finit par se tarir. Quelles voix ? Les histoires et drames particuliers mais aussi les rumeurs et les main-streams. Aller-retour incessant entre la page et le monde. Trouver des réponses aux questions des fins dernières en auscultant le monde, celui d’ici et maintenant.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
Retrouvailles est mon septième opus publié. Le recueil s’inscrit dans un travail selon trois axes. La mémoire et la langue d’une part (cf. Cahiers français ou la langue confisquée, Sutton). Les anticipations et dystopies (cf. La nuque, Siloë) d’autre part. Enfin, les tropismes contemporains (cf. Puis-je m’asseoir à côté de vous ? Terres du Couchant). Plusieurs nouvelles ont été publiées dans les revues l’Ampoule, Rue St-Ambroise, Harfang, etc. D’autres recueils de nouvelles sont en préparation ainsi qu’une auto-fiction autour de la (toujours) dramatique entrée en EHPAD d’un parent.
Roland Goeller, auteur de Retrouvailles nouvelles de la langue interdite, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.