Entretien avec Micha Cleef-Palmerr – La quête de Iaşi
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
Incrédulité… »Mais qui allait s’intéresser à ce récit ?…
Et puis, tous ces lecteurs qui me resteront inconnus et qui vont aller se balader dans mes intimités en totale impunité…
Aucun contrôle. Stress.
Peur de ce « vide » où l’on ne peut plus rien changer aussi. Solitude.
Tristesse…Le livre venait de me quitter pour mener sa vie propre…
Je me suis senti vide, abandonné. Notre complicité entre lui et moi, foulée aux pieds.
Mais aussi est apparu le sentiment du « travail accompli », comme l’artisan méritant, pas totalement satisfait, qui regarde ce qui existe enfin…Parties de rien, maintenant toutes ces pages, soignées, écrites au cordeau, avec chagrin pour certaines, quelques touches de bonheur pour d’autres.
Entre mes mains ce livre, esthétiquement beau, au final tel que je l’ai voulu, même les imperfections que je ne vois pas (ou plus) donne certainement du charme à l’ensemble.
Et puis la perfection ça serait ennuyeux, heureusement, ça n’existe pas !
Je n’ai jamais relu le livre paru, à peine ouvert pour une dédicace ici ou là, c’est tout.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
Si l’on s’en tient aux réactions des lecteurs, ils ont perçu et adhéré à ma démarche « peu orthodoxe », affranchie. Une sorte d’unanimité qui m’a beaucoup surpris a fait jour au fil des réactions…un exemple:
« …Des épisodes de vie dévoilés avec beaucoup d’émotions et un sens aigu du parler vrai. Le lecteur est tenu en haleine et dévore
ces « récits-témoignages » d’une traite. Belle surprise qui nous fait passer des rires aux larmes avec des êtres vraiment très attachants… »
Quant à l’originalité, elle se définit très bien dans l’avant-propos…J’ai voulu que lecteur soit prévenu, le voici :
« …Ayant toujours aimé les conteurs, un parti-pris d’écriture s’est imposé à moi…Je vous raconte, je vous chuchote, je vous crie…
Inventez une voix pour m’entendre, n’importe laquelle, avec ses inflexions, ses hésitations, son intensité, sa légèreté aussi.
Nous ne sommes que tous les deux. Je suis là, non loin de votre oreille, je vous emporte dans un voyage intime au gré de mes souvenirs, de mes vécus.
Les noms, les prénoms ont été modifiés, il fallait. Mais les faits relatés sont authentiques, sans fard.
Une mémoire n’est jamais logique, elle se veut à la fois terriblement indépendante, et fidèle à son premier propriétaire… Souvent, elle se permets des tours, des détours, mais sans perdre ses vérités.
Elle ne supporte aucune complaisance, aucune bienveillance particulières.
Les ‘mémoires-chipies’, celles des autres, n’ont qu’à bien se tenir ! Ou alors elles finiront éparpillées ‘façon puzzle’… !! Introuvables.
Mes témoignages échappent à une chronologie habituelle, ils interagissent pour respirer une raison d’être, une identité dont l’essence, le parfum final vous appartiendra.
De page en page vous deviendrez mes compagnons de route, mes confidents curieux, titillés par mes sincérités…
Pourquoi se livrer autant ?
Il commence à se faire tard dans ma vie.
J’ai peur d’oublier. Partager avant que cela devienne impossible, voilà.
Chaussez vos ‘bottes de sept lieux’, sans plus attendre et commençons les ‘voyages’… »
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
Je vous réponds dans le désordre…Alors déjà, ni rituels ni astuces.
Ensuite, chemin faisant, je prends note d’une idée, d’une phrase, qui deviennent conductrices. Pas de plan.
A partir d’une idée générale qui me tenaille, j’aime me jeter à l’eau…
Sans bouée de sauvetage ou de gris-gris ou je ne sais quoi d’autre. On a un besoin de transmettre quelque chose, dans une sorte d’urgence, ou on ne l’a pas.
J’ai une mémoire visuelle et une mémoire auditive plutôt pointues. Merci Dame Nature ! ça aide à la création.
Après il me faut trouver les bons mots pour transcrire…ils seront les vecteurs d’émotions, de réflexions recherchées. La voltige est forte dans la tête.
J’entends toujours les voix de celles et ceux qui vont se retrouver sur le papier.
J’écris tous les jours et à des horaires différents. Une fois dans ma bulle, je ne veux que du silence pendant deux ou trois heures à minima. Je me fonds dans cet « ailleurs » où tout m’est permis.
Je relis toujours ce que j’ai écrit auparavant pour corriger si besoin, avant de poursuivre.
Petit à petit les éléments s’agrègent, le livre prend le pouvoir, continue sa course jusqu’à une fin possible qu’il choisit…Oui, il y a là quelque chose de magique.
L’écriture, pour une raison que j’ignore, m’est plutôt facile. Je n’en tire aucune « gloriole stupide », c’est comme ça. D’autres auteurs sont plus laborieux mais tout aussi investis, authentiques…Seul le résultat final et surtout le partage avec le futur lecteur qui doit s’en suivre, comptent.
Micha Cleef-Palmerr, auteur de La quête de Iaşi, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.