Entretien avec Jérôme Lemesle – Et nous vivrons heureux sur Terre
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
En général, en période de début d’année, une fois les fêtes passées, il y a peu d’événements très réjouissants : une facture de régulation de consommation électrique défavorable, une tentative de Dry January ou récemment et sans engagement, une cordiale proposition de convention obsèques, présentée par la société funéraire que j’avais sollicitée en octobre pour l’inhumation de mon père.
Il ne fait pas particulièrement froid en ce début 2022 mais l’apparition d’un variant mauvais de la Covid-19, entraînant rappel vaccinal, mise à jour du pass et tests à répétition ne provoquent pas chez moi un enthousiasme retentissant.
Un e-mail, un simple e-mail, certes attendu mais concrétisant plusieurs semaines de campagne Simply-Crowd, m’apporte la bonne nouvelle. Les éditions Maïa me le confirment. Ça y est, la parution d’« Et nous vivrons heureux sur Terre » est officielle. Mon premier roman vient de prendre vie.
Quelques jours plus tard, un colis m’est livré à domicile. Sur ce dernier, le nom de l’expéditeur ne laisse aucune doute, c’est « lui ». Je mets un certain temps avant d’en découvrir le contenu. Je ne veux pas aller trop vite. Je ne veux pas gâcher ce moment si particulier.
Après m’être acquitté de quelques obligations domestiques, je m’y ose enfin, timidement. Je découpe le ruban adhésif et écarte les rebords en carton. Sous une feuille de papier bulle, je découvre l’enfant.
La charge émotionnelle est à la hauteur de l’attente. Je devine d’abord la couverture et n’ose à peine toucher l’objet de peur de le déranger, de peur de l’abîmer mais il est là. Son apparition m’emplit d’un ravissement doublé d’un soulagement lié à la période de gestation.
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
Un premier comité, un panel restreint de quatre personnes, a accepté de lire le roman, un livret réalisé par mes soins. Cela m’a permis d’obtenir un premier retour sur le récit ainsi qu’une aide à la détection des fautes d’orthographe et des éventuelles coquilles (merci à Étienne, Delphine, Alexis et plus particulièrement à Marion, pour son travail de correction). Leurs premières remarques sont rassurantes et encourageantes. Ils ont aimé et, lorsque nous échangeons sur le sujet, j’aperçois dans les regards des scintillements de bon augure.
À la sortie du livre, les premiers commentaires vont rapidement dans un sens positif.
De la part des collègues travailleurs sociaux, des félicitions pour la fluidité du récit, pour le réalisme de la trame et pour le plaisir qu’ils ont eu à le lire.
Pour les autres lecteurs, les retours sont tout aussi flatteurs. Les personnes de mon entourage sont ébahies par la découverte de ce monde dont elles ignorent la réalité. Le ton du livre, sans angélisme ni pathos (comme me l’a fait remarquer un ami) a également été apprécié. Même si le sujet reste difficile et pesant les gens s’étonnent, au gré des situations, d’être tantôt touchés, tantôt hilares. Une multitude de sentiments les traversent tour à tour me disent-ils : tristesse, révolte, colère, joie, espoir.
J’ai entendu des mots comme : sombre parfois mais lumineux souvent, beaucoup de dureté mais heureusement beaucoup d’humanité, un grand réalisme, enrichissant sur la vie des gens de la rue, difficile d’en lâcher la lecture, de belles tournures de phrases loin du stéréotype du SDF qui s’exprime grossièrement, plaisant à lire, qui laisse entrevoir l’espoir etc…
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
Dans un premier temps, je me suis amusé à décrire des scènes de mon activité professionnelle, l’accompagnement de ceux baptisés Sans Domicile Fixe. Les portraits et les actions étaient à la hauteur et juste dans leur contenu, mais le ton n’était pas là : pas de tempo, récit froid, ambiance sinistre et pesante, bref, un livre à offrir à quelqu’un que l’on n’apprécie guère.
Je voulais sincèrement garder une trace de toutes ces années de rencontres, ne pas oublier tous ces visages ni toutes ces vies, parler d’eux, transmettre, alors il m’a fallu réfléchir pour en améliorer le contenu.
L’idée m’est ensuite venue d’entièrement réécrire tout cela, de changer de stratégie et de passer par l’angle de la fiction afin de rendre le tout plus serein et abordable et, à ma guise, d’en pouvoir doser le drame ou la légèreté. Cela commençait à prendre forme.
À l’arrivée du Coronavirus, il m’a semblé être une bonne idée de recontextualiser l’histoire et de démarrer le récit le jeudi 26 septembre 2019 (Lubrizol) et de le terminer à l’apparition d’une curieuse épidémie se développant en Chine (oui, je l’ai dis mais ça ne gâche pas la fin).
Ma méthode d’écriture est des plus simple, je note dans un carnet tout ce qui me passe par la tête ou utilise la fonction mémo de mon téléphone (idée de scénario ou de rebondissement, personnage à développer, fulgurances, écriture spontanée). Ensuite je l’incorpore ou non dans mon récit en cours. Le reste, je le garde en stock pour plus tard.
Jérôme Lemesle, auteur de Et nous vivrons heureux sur Terre, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.