Entretien avec Étienne Bompais-Pham – Tuer le bon gay
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
J’ai été littéralement étonné. Il m’a fallu des semaines pour réaliser. C’était d’autant plus surprenant que Tuer le bon gay raconte l’abandon du rêve de publication d’un écrivain en herbe (ou raté, selon qui regarde). Au moment de l’écriture du roman, j’étais très proche de mon personnage : je ne vivais que pour être publié. Puis ses aventures et sa transformation m’ont changé à mon tour et permis de faire le deuil de ce rêve de publication. Et c’est quand j’ai mis derrière moi mes velléités d’être publié que les Éditions Maïa ont accepté de faire paraître mon roman. Comme un signe !
Quand mon manuscrit a été accepté, je n’y croyais pas. J’ai alors suivi les étapes de création du roman de manière très professionnelle. Mon travail dans le marketing m’a appris à mener à leur terme de gros projets complexes. J’ai assumé ce nouveau projet comme un autre, sans forcément prendre de recul.
C’est quand j’ai reçu les premiers exemplaires que j’ai pris conscience de la concrétisation de ces nombreuses années de travail acharné. Et là j’ai pu savourer mon bonheur, ma fierté – et pas mal de champagne, il faut avouer.
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
Les premiers que j’ai reçus sont très positifs. Trois éléments reviennent régulièrement :
– la remise en question existentielle du personnage principal bloqué entre ce qu’il pense devoir faire pour s’intégrer dans ses différents cercles sociaux (professionnels, familiaux et amicaux) et ce qu’il est réellement, mais a honte de révéler ;
– les personnages : notamment celui du protagoniste, la figure du mari et le personnage de Wes, excentrique, libéré des contraintes du monde et heureux ;
– la fin : je n’en dirai pas plus pour ne rien dévoiler aux futurs lecteurs, mais elle a donné un bol d’air aux lecteurs. Je ne cacherais pas qu’elle a pu en frustrer certains, qui auraient voulu en savoir bien plus. Mais pour ceux-là, j’aurais peut-être de quoi me faire pardonner…
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
Ce que j’en retiens est que l’édition est un véritable métier. Je voyais alors la parution de mon premier roman comme un objectif en soi, alors qu’il s’agissait d’une porte vers tout un monde qui demande encore plus d’engagement et de travail. C’est comme lorsqu’on entre au lycée avec un seul objectif en tête, le bac, puis qu’on se rend compte, le diplôme en poche, que tout le travail reste en réalité à faire.
Je ne pensais pas arriver un jour à l’étape de l’édition. Le fait que Tuer le bon gay soit le premier à être publié est fort, car il est un hymne à l’acceptation de soi-même. Ce que j’en ai retenu, c’est qu’il faut écrire le roman que l’on aimerait lire en tant que lecteur, et non un texte qu’un hypothétique éditeur attendrait, ce qui a été mon erreur pendant des années.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
Selon moi, l’originalité du roman réside dans son sujet : la représentation d’une forme plutôt inédite d’homosexualité dans la littérature. Deux types de romans gays sont généralement proposés :
– la romance M/M où le personnage principal apprend à assumer son homosexualité, tombe amoureux d’un garçon avec qui il ne peut pas être, fait son coming-out, se met en couple et s’achève au début de la relation ;
– les romans plutôt sombres autour de la sexualité « déviante » d’homosexuels, dans des contextes de sida.
Il n’y a pas, ou peu, de romans où la sexualité gay se vit dans des lieux publics, s’exhibe et se regarde sans jugement ou sans conséquence. Tuer le bon gay a cela d’original qu’il montre un couple d’hommes mariés, ouverts, mais plutôt dans le placard en ce qui concerne leur sexualité réelle. Le roman interroge celle-ci par rapport à la société et ce qu’on image être acceptable par les autres.
Cette différence a été très bien perçue par mes premiers lecteurs. Et la fin du roman les a enchantés notamment pour cette raison. Pour comprendre, il faudra hélas (ou heureusement) lire le livre !
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
L’écriture du premier jet a été très rapide. Le plus difficile a été les différentes relectures entrecoupées de période de repos pour oublier le roman et y revenir plus tard. Ce fut éreintant, difficile, mais le résultat méritait cet engagement.
Ma méthode de travail a été rigoureuse. J’ai d’abord dressé une fiche complète de chacun des personnages pour les caractériser avec précision. Puis, j’ai créé un plan très fin, scène à scène du déroulement du roman. Après trois semaines, je disposais de tous les outils nécessaires pour rédiger le premier jet.
J’ai suivi un rituel très strict : écriture matin, midi et soir, avec un café, un thé ou une tisane. J’ai écrit au kilomètre pendant quatre mois. Puis, je l’ai laissé dormir des mois, avant de revenir dessus quatre ou cinq fois.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
Oui, je suis déjà en train de commencer le suivant. Après avoir écrit sur l’acceptation de sa propre forme d’homosexualité, j’ai besoin d’écrire sur le rapport d’un jeune homme avec les origines vietnamiennes de son père. Que transmet-on à ses enfants de sa culture quand celle-ci est réprimée pour s’intégrer ? Comment arrive-t-on à refouler ses origines pour ne pas affronter leur absence ? Et comment peuvent-elles contribuer à notre équilibre ? Tout un programme en somme !
Et puis, je pense que l’on reverra quelques personnages de Tuer le bon gay dans d’autres aventures. À suivre…
Étienne Bompais-Pham, auteur de Tuer le bon gay, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.