Entretien avec Denis Fillipi – Fifty dollars
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
Tout comme pour le premier roman, il y a une vraie joie et beaucoup de fierté à tenir enfin son ouvrage dans les mains. Avoir son nom inscrit sur une couverture et lire ce titre qui représente tant de mois, voire d’années de travail, c’est un immense plaisir. Cependant, au-delà de l’objet lui-même, c’est l’aventure et le partage qui procurent très certainement le plus de bonheur. Il y a d’abord un peu de stress, évidemment. On se livre tout de même au lecteur, aux autres, aux proches comme aux inconnus. Il y a dans notre travail une part d’intimité, il faut passer ce cap. Puis au fil des jours, on présente son ouvrage, on l’expose, ce n’est plus que du plaisir de voir l’intérêt des lecteurs.
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
Il y a eu immédiatement de la comparaison avec le premier roman. Etant donné que les thèmes abordés sont très différents, j’ai eu des retours tout aussi différents. Dans l’ensemble, il a été bien reçu. Certains m’ont dit qu’il les avait gardés en haleine jusqu’à la fin dans ses différentes histoires. D’autres que le réalisme et les descriptions de la Thaïlande notamment les avaient transportés. Certains l’ont qualifié de « Rock n’ roll » ce qui m’a beaucoup plu, puisque Serge, le personnage principal, est borderline et fan de Metallica. « Rock n’ Roll » est le qualificatif idoine. Ils ont aimé sa vision désabusée de la société, sa perte d’espoir, cet amour perdu, sa nostalgie.
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
L’édition est le souffle de vie du travail d’écrivain. On peut écrire toute une vie, si personne ne lit jamais rien et que les manuscrits végètent au fond du tiroir, il n’y a plus ni plaisir ni intérêt. Les difficultés pour être édité sont réelles et quand la possibilité s’offre à vous, on sent son travail prendre vie. Ce ne sont plus juste des mots sur du papier, mais un produit concret et abouti. Après le choix de l’adjectif dans le texte vient le choix de la photo pour la couverture et l’extrait pour la quatrième. C’est une autre forme de travail destiné à le sublimer. J’ai même relu mon propre roman tant il avait pris une autre dimension.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
Lorsque j’ai commencé l’écriture de Fifty Dollars, je mettais un terme à dix années de gestation. Dix années durant lesquelles j’avais cette idée qui prenait forme avec le temps, dix années où le personnage se développait. Et puis c’est venu un jour, avec fulgurance et je suis allé au bout. Le cinéma a beaucoup influencé la forme du roman pour plusieurs raisons. La musique est omniprésente, il y a une véritable BO qui rythme l’histoire, on pourrait presque écouter les morceaux durant la lecture. Ensuite la construction à la manière d’un puzzle que l’on réunit au fil des pages est un procédé que j’affectionne dans le 7ème Art. Les différentes périodes et surtout les différents lieux (Loiret, Phuket, Bruxelles, Nice…), on voyage, on s’évade, on découvre. Enfin, l’utilisation du présent met le lecteur face à l’action. On est au même niveau que le narrateur, personne n’en sait plus que l’autre, il n’y a pas cette impression que tout est déjà joué. J’aimais aussi l’idée de raconter parallèlement deux destins. Deux personnes qui vont évoluer dans des univers géographiques et sociaux différents mais qui se ressemblent finalement malgré l’opposé de leur trajectoire.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
Pour l’écriture, comme je le disais, il y a eu une période de gestation mais il est vrai que le plus gros de l’histoire est arrivé au fur et à mesure. Je prenais des notes dès qu’une idée me venait pour l’intégrer au corpus. Quand j’ai eu la fin en tête je me suis senti libéré, comme si la voie se dégageait et que je n’avais plus qu’à avancer. Il fallait que j’écrive impérativement chaque jour. Pendant un moment je ne pensais plus qu’à ça, sur la fin j’avais même du mal à trouver le sommeil tant je voyais les personnages défiler et le bout du tunnel. Il est vrai qu’à un certain moment on a vraiment envie de voir son travail achevé, de le faire lire un peu comme un randonneur éprouve à un moment donné la hâte d’arriver. C’est ce sentiment de satisfaction que nous cherchons dans ce genre d’épreuves car il faut bien l’avouer, on passe par de véritables moments de souffrances et de doutes. Contrairement à beaucoup d’écrivains ou par rapport à l’idée que nous en avons en règle générale, je ne travaillais que la journée. Bien loin de l’auteur nocturne et alcoolisé qui traverse la nuit en solitaire au bout de sa machine à écrire. Bien des chefs-d’œuvre sont nés de la main et du cerveau de ces artistes mais moi j’ai besoin d’être en forme pour écrire. Comme l’exercice demande beaucoup d’énergie et de concentration, j’ai choisi de faire des chapitres courts, ce qui me permettait de faire une pause avant de reprendre. Ce qui par ailleurs a un double intérêt puisque à la lecture aussi c’est plus rythmé et plus agréable.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
J’ai toujours des idées, parfois griffonnées sur mon cahier de notes, parfois dans mon Smartphone. Mon premier roman se déroule en Afrique, mon deuxième en Asie, je ne vais pas vous cacher qu’une histoire en Amérique du Sud me tente bien. Il faut trouver le sujet, l’intrigue, la profondeur des personnages et surtout une certaine originalité. Toutes les idées ne peuvent pas aboutir, un roman demande beaucoup de travail mais le plaisir est toujours au rendez-vous quand les mots défilent sous les touches du clavier et qu’il y a au moins un lecteur pour vous féliciter.
Denis Filippi, auteur de Fifty dollars disponible sur le site des Editions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.