Entretien avec Daniel Natalini – L’île du bonheur
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
La joie de voir un projet s’incarner dans un objet mystérieux que l’on appelle un livre, le désir que cet artéfact puisse maintenant voler de ses propres ailes.
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
C’est ici que le mystère s’épaissit. Chaque lecture est une expérience singulière dont l’auteur est exclu. L’œuvre subit un processus de recréation permanente en passant de mains en mains, toutes ces expériences plus ou moins réussies seront uniques ! À ce stade je n’ai pas suffisamment de retours pour espérer soulever un tant soit peu ce voile des mystères. Les premiers échos des consciences qui se sont penchées sur l’île du bonheur la qualifient d’originale, d’inattendue, porteuse de sensations et de sens. Ce serait là les ingrédients essentiels d’une histoire que je voudrais partager, la suite de cette aventure littéraire devrait m’éclairer à ce propos.
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
L’apparition du cercle vertueux, je m’explique. Depuis le début de cette entreprise « onirique » ou « onirophore » porteuse de rêves, l’aspect collaboratif a été omniprésent. J’ai écrit le premier synopsis de l’île du bonheur en concertation avec l’artiste Serge Micheli en vue de la création d’une bande dessinée. Le format synopsis a laissé sa trace dans le roman et c’est intéressant. Ce premier volume de la BD correspondrait maintenant aux premières quarante pages de l’histoire, Serge, tu as du boulot ! Durant le processus d’écriture romanesque, des oreilles d’amis bienveillants se sont prêtées au jeu de mes lectures, autorisant mes mots à bondir hors du crâne. La correction du premier manuscrit a été décisive et fructueuse ainsi que les conseils avisés d’écrivains et journalistes. On arrive enfin à l’édition ou la collaboration est essentielle mais l’histoire ne s’arrête pas là car ce sera au tour des lecteurs de collaborer avec l’auteur en activant par leurs consciences ce pavé de cellulose. Le retour d’expérience du lecteur est le dernier segment du cercle vertueux. Bien entendu ce cycle n’est pas spécifique à la littérature mais concerne les arts en général cependant cet aspect me paraît plus sensible chez l’écrivain ; en tant que compositeur je pourrais me contenter de simplement écouter ou exécuter telle ou telle composition, une peinture sera pleinement fonctionnelle accrochée aux murs de la maison du peintre mais qu’en serait-il d’épaisses tranches de livres rédigées avec acharnement à jamais figées sur une étagère poussiéreuse ? Pour autant l’écriture n’échappe pas au fondement de l’art et certainement de la vie ; le momentum de la création.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
L’originalité de ce roman réside peut-être dans sa quête absolue du bonheur. Je ne pense pas seulement au bonheur personnel mais aussi au bonheur collectif, les deux étant intimement liés, le bonheur est aussi une affaire d’écosystèmes. J’ose espérer que mes lecteurs, par delà les questions et messages que je soulève, perçoivent dans cette aventure épique l’élan de vie et de joie qui a présidé à son élaboration.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
L’écriture romanesque m’a surpris à bien des égards. Tout d’abord la simplicité matérielle de sa mise en œuvre m’a stupéfait, un stylo, du papier ou une tablette mettent à disposition une équipe de tournage au complet à moins que ces professionnels ne soient en grève. Au départ la team est restreinte mais elle s’enrichit au fil des jours et des nuits. J’utilise des logiciels et des instruments sophistiqués pour créer des images et du son, je n’avais pas imaginé être en mesure de remplacer tous ces outils par des mots. Je n’avais pas non plus envisagé l’ampleur de la tâche ni le fait que je prenne plaisir à corriger inlassablement un livre entier comme un sculpteur polit sa statue. Je privilégie dans l’écriture le plaisir d’écrire et de lire. Je suis le premier spectateur de ma propre histoire, la trame se tend pour que les émotions et les mots sortent, j’ai besoin d’être surpris par des événements, des corrélations non prévues, le surgissement de l’impensable. Je peux construire mentalement un squelette avec éventuellement un dénouement déjà établi, des liens et directions mais c’est bien l’écosystème de ce monde virtuel qui aura le dernier mot. Quand l’histoire et les caractères s’autonomisent, on atteint la vitesse de croisière, l’aventure commence réellement, on peut se caler dans son fauteuil à moins d’avoir oublié la costumière, l’accessoiriste ou pire ; le souffleur.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
L’île du bonheur ; l’Ange, la Bête et le samurai sont la partie immergée d’un iceberg aux profondeurs insoupçonnées, j’ai commencé à l’explorer à mes risques et périls, Ulysse était pressé de repartir et Pénélope déjà devant son métier à tisser les mots. Un second roman est en cours. Il y sera toujours question entre autres de physique quantique, de champs de conscience, de multidimensionnel mais aussi de microbiologie, de microbiote, d’écosystème, de communication animale et d’éducation alternative. Présentement je suis en pause. J’écris de la SF fantastique corrélée aux réalités socio-historiques, passées et présentes. L’île du bonheur a été suscitée par le « meltdown » de Fukushima, le désarroi de sa population et l’absurdité érigée en totem des nations. Les événements de 2020 m’ont surpris pour ainsi dire débusqué, l’écrivain de SF s’est vu rattrapé par le Réel, je reprendrai cette écriture quand j’aurai suffisamment assimilé cet extraordinaire afflux d’informations contradictoires, je ne veux pas me planter sur le terrain de cette nouvelle histoire qui y a déjà pris racine, il faudra par la suite encourager l’équipe de tournage et les acteurs à remonter sur le plateau. Pour finir je citerai le retour d’un lecteur à propos du titre de l’ouvrage ; l’Ange, la Bête et le Samurai y sont respectivement le symbole de la Vie, de la Mort et de l’Espoir, oui, l’espoir ou la volonté, une volonté bienveillante dont nous avons tous besoin, il est crucial que nous retrouvions notre puissance personnelle avant que nous soyons privés de notre essence humaine, pour ne pas devenir une enveloppe vide programmable sans limites par le mainstream power et la bien-pensance de la médiocratie.
Daniel Natalini, auteur de L’île du bonheur, disponible sur le site des Editions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.