Entretien avec Cannelle Valérius – La Curiosité de l’auteure
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
Initialement, j’ai plutôt ressenti de l’incrédulité.
J’ai toujours écrit, et ce, d’aussi longtemps que je m’en souvienne. Bien sûr, l’idée de publier un jour mon propre livre me traversait parfois l’esprit mais je ne m’y attardais pas vraiment car cela restait extrêmement utopique. Un peu comme le personnage de la jeune fille dans mon livre qui rêve d’être une danseuse : devenir un auteur publié, ça n’arrive qu’aux autres.
En toute franchise, cette incrédulité persiste encore après trois mois mais je ressens également aujourd’hui beaucoup de fierté. C’est le premier livre que j’envoie à des maisons d’édition et le fait qu’il ait plu est incroyable. Pour la première fois depuis tant d’années passées à écrire de tout et sur tout, je me dis que ce n’était pas juste du temps perdu, de la procrastination.
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
Les retours sont jusqu’à présent très positifs. Quel soulagement ! Les lecteurs ont apprécié mon style d’écriture – « il est très facile à lire et on le termine d’une traite » était leur commentaire – ce qui m’a extrêmement fait plaisir parce que j’ai mis des années avant de le trouver, et il est bien sûr encore loin d’être parfait. Mais il me ressemble et donc, forcément, le fait qu’il plaise aux autres me touche beaucoup.
Beaucoup réclament maintenant un livre plus long. Un prochain défi en perspective.
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
Que du bien ! C’était comme vivre dans un monde parallèle pendant toute la durée du travail d’édition. De la réception du mail me disant que les éditions Maia avaient retenu mon livre à la publication du livre, en passant par la signature du contrat, à la campagne de précommande, aux premières maquettes… je me sentais comme une petite fille.
D’un point de vue technique, il faut savoir qu’il y a quelques règles à respecter pour soumettre un manuscrit dont je ne connaissais rien. De la page d’accueil aux polices préférées par les maisons, et leur taille, il faut être vigilant. Par ailleurs, et cela peut paraître évident mais ça ne l’était pas pour moi, il faut connaître la ligne éditoriale des maisons auxquelles on n’envoie son manuscrit et s’assurer que ce qu’on leur propose correspond à leur identité. Au départ, j’étais partie pour envoyer mon manuscrit à toutes les maisons d’édition de France !
Plus personnellement, l’enseignement que je retiens c’est qu’il faut savoir se lancer des défis dans la vie. Je n’ai pas du tout écrit cette histoire dans l’optique de la faire publier un jour, et j’ai beaucoup hésité à l’envoyer à des maisons d’édition. Finalement, heureusement que je l’ai fait, et même si elle n’avait été retenue par aucune maison, j’aurais au moins tenté ma chance. C’est facile à dire mais on ne risque rien à essayer.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
Parfois, les rencontres que l’on fait nous force à nous regarder nous-même dans le miroir et c’est vraiment ce que je voulais recréer dans ce livre. Finalement, le personnage principal a peu de choses en commun avec ses « colocataires forcés » mais tout chez eux – et absolument tout – fait écho d’une façon ou d’une autre à un épisode plus ou moins marquant de sa vie.
Pour moi, en tous les cas c’est ce que j’ai essayé de retranscrire dans mon livre, on avance dans la vie sans véritablement y réfléchir sur le moment – parce qu’il faut bien – et pourtant, des regrets on en a tous. Et puis, parfois les décisions qu’on a prises, nos actions, ou même parfois nos inactions, sont confrontées à celles, bien différentes, d’autres personnes. Et là, on a souvent l’une de ces deux réactions : soit on se met à juger l’autre de sa différence soit on commence à se plaindre à base de « si j’avais pu », « si j’avais eu »… ce fameux « l’herbe est toujours plus verte ailleurs ». On en est tous coupables, moi la première, ce qui ne nous rend pas si différents les uns des autres… ironiquement. Un jour peut-être on se rendra tous compte que, finalement, la décision que l’on a prise était la meilleure que l’on pouvait prendre pour nous à l’instant t.
Je n’ai pas eu de retours explicites sur ce sujet mais j’ai eu quelques personnes qui m’ont fait la remarque et ont apprécié les similarités dans la différence des personnages principaux.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
Ma relation avec l’écriture est très intéressante – voire compliquée. C’est l’activité que j’aime le plus faire au monde, celle dans laquelle je me sens la plus libre et épanouie mais c’est aussi la plus frustrante qui soit. Des idées j’en ai énormément. Mon cerveau est constitué presque en totalité d’histoires qui ne verront probablement jamais le jour et mon ordinateur rempli de brouillon pour des projets qui sont en attente depuis la nuit des temps.
Le problème n’est pas d’avoir des idées pour moi, le problème est de transcrire ces idées sur papier et là commence la boucle sans fin : j’ouvre un document Word, j’écris deux trois phrases, j’allume la télévision, je réponds à des messages, j’ajoute des choses à ma to-do liste pour le travail, je change de chaîne, je reviens sur mon document Word, je soupire d’exaspération, je me rends compte qu’il est 16 h et que je n’ai pas encore mangé de la journée du coup je vais faire à manger, puis je vais faire un tour (à l’époque où l’on pouvait faire un tour après 18 h), je rentre et me remets devant la télévision, le document à nouveau ouvert près de moi, avant de finalement aller me coucher et là en général, alors que je n’ai envie que d’une chose : dormir, c’est à ce moment que deux, trois idées de dialogue/passage descriptif me viennent en tête. Bref, c’est du vrai n’importe quoi.
Alors, non je n’ai pas d’astuces. Je ne suis pas du genre à me créer un espace cosy et une ambiance chaleureuse pour écrire, ça aurait plutôt l’effet contraire. Je ne suis pas non plus du genre à me dire « Aujourd’hui, objectif 10 pages » parce que ça me rappelle les dissertations et les dossiers à rendre… Trop de pression. Ça ne marchait pas à l’époque alors pourquoi ça fonctionnerait maintenant !?
Néanmoins, j’avais pour cette histoire, qui s’est écrit étonnement « vite » et de manière assez fluide, un semblant de rituel qui ressemblait à peu près à ça : le soir dans mon lit j’écrivais des idées, des dialogues qui me venaient en tête sur mon téléphone. Ça n’avait souvent ni queue ni tête mais ça m’évitait de les oublier le lendemain. Ensuite, la journée, dans les transports en allant et en revenant du boulot, j’essayais d’écrire des phrases qui faisaient sens avec toutes ses idées. Enfin, le week-end, je mettais l’histoire en forme et dans l’ordre. Pour finir, je faisais lire les avancées à ma mère et une amie parce que j’avais besoin de validation.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
Oui, toujours. Je ne sais pas quand est-ce que ça se fera, mais comme je l’expliquais plus haut, des idées j’en ai. Tout est une question de pouvoir les écrire.
En ce moment, parce que pour moi écrire c’est un muscle, j’écris des petites histoires de quelques pages juste pour ne pas perdre l’habitude et parce que je trouve ça plaisant.
J’ai un roman que j’avais entamé avant La curiosité de l’auteure, sur lequel je commence à retravailler. Sans en dévoiler trop, l’idée est d’écrire sur l’amour confrontée à la maladie mentale.
Cannelle Valérius, auteure de La Curiosité de l’auteure, disponible sur le site des Editions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.