Au sein de paysages et espaces naturels où la réalité se mêle au fantastique, le comptoir des Amourettes visite les relations humaines, dans un style alerte et haletant. L’alternance de dialogues philosophiques et de conversations légères rythme un parcours initiatique à la découverte de soi. L’écriture théâtrale joint à de courtes didascalies où l’auteur est le narrateur, des dialogues où il devient aux côtés du lecteur, un spectateur de l’existence, à travers des personnages hauts en couleur. En dévoilant leur part d’ombre et leur vision du monde, ceux-ci soudent petit à petit leur communauté, fondée sur l’amitié et les amours naissants.
Le lecteur, en se reconnaissant dans l’un des personnages, partagera la vision optimiste, sereine et rassurante de l’existence, qui est celle de l’auteur. Et si le comptoir des Amourettes rend le lecteur heureux, le fait rêver, lui ôte ses frayeurs, l’auteur aura atteint son unique aspiration. Apporter une parcelle de bonheur et de réconfort dans cette France où il fait si bon vivre.

Extrait

– Le maître Dites Marcheur, nous sommes toujours dans la bonne direction ? J’ai l’impression que ce chemin nous mène droit dans le front.
– Le marcheur consultant sa boussole Vous avez raison. Nous avons dévié trop au nord. Il faudrait nous rapprocher de l’un de ces deux grands Trucs là-bas. Je pense qu’ils sont proches du pont sur la Bessière, sans en être certain.
– Anaïs Je vous ai connu plus affirmatif et je dirais plus serein.
– Le marcheur se voulant rassurant Ne vous inquiétez pas nous sommes globalement dans la bonne direction mais nous n’échapperons plus au mauvais temps.
En effet, le vent se lève bientôt, apportant des bancs de brouillard les enveloppant comme des langues de nuage tombées au sol. L’atmosphère est de plus en plus orageuse et la visibilité se réduit de minute en minute.
– Le disciple hurlant dans le vent qui fait siffler les grandes herbes Regardez là-haut sur la colline. Une meute de loups
– Le maître Je ne crois pas Disciple, pas une meute. Mais un grand loup sombre au poitrail clair. Allons vers lui.
– Anaïs Vous n’y pensez pas ! C’est peut-être le reste de la meute de Margeride qui veut se venger.
– Le maître sans appel Les loups ne se vengent pas. Et celui-ci n’est pas un loup comme les autres. Il nous invite à le suivre.
Au moment où le maître prononce ces mots, le grand loup se met à hurler la gorge tendue, puis abaisse la tête et la tourne vers la colline. Le maître accélère le pas en criant.
– Le maître autoritaire Suivez-moi vite. Accélérez !
Le loup est maintenant en pleine course sur le flanc de la colline qu’il semble contourner par l’ouest. Rapidement il est hors de vue mais le maître a eu le temps de comprendre son trajet. Il allume une lampe-torche qu’il tend au bout de son bras derrière lui pour que le reste de la communauté puisse le suivre. Il fait maintenant très sombre, l’atmosphère devient angoissante et les premiers éclairs tombent, arrachant de lourds grondements à la montagne. Anaïs est terrorisée et les autres n’en mènent pas large. Modestine se met à braire et Rizzie émet de longues plaintes.
Ils arrivent à peine au bord de la colline quand les premiers grêlons tombent drus sous un ciel devenu jaune. Le maître les distance de plus en plus, comme survolté par le danger auquel il veut échapper. Loin devant lui le loup s’est arrêté contre une paroi rocheuse, et s’assied en les regardant calmement fuir devant le terrible orage qui se déchaîne. Et quand enfin le maître parvient à la zone rocheuse, le loup disparaît subitement, comme par enchantement. Là au milieu des éboulis, il découvre une anfractuosité noire.
– Le maître tournant sa lampe vers l’obscurité Entrons dans cette faille, vite, cela devient dangereux.
Les autres ne comprenant pas ce qui se passe, le rattrapent et entrent derrière lui dans ce qui se révèle être une caverne bien cachée derrière un unique arbre aux branches hurlant dans la tempête. Un alisier dont les feuilles sont déchiquetées par la grêle et la pluie violente.
– Le disciple stupéfait Mais comment avez-vous su qu’il y avait ce refuge ?
– Le marcheur coi Vous êtes déjà venus par ici ?
– Anaïs répondant avant le maître Non, je pense que vous avez suivi le loup, n’est-ce pas ? Où est-il d’ailleurs ?
– Le maître un sourire entendu aux lèvres Le loup ? Quel loup ? Un loup sombre au poitrail blanc cela ne vous rappelle rien ?