Lecteur de romans, je m’intéresse particulièrement à ceux qui portent un regard sur l’état de notre monde et de notre société. Cela me conduit à m’interroger sur l’avenir de nos enfants et petits enfants. Ils vivront sur une planète où se succèdent déjà les calamités dues au réchauffement climatique et ils devront s’adapter à des conditions et à des désordres extrêmes. C’est ainsi que j’ai imaginé, à travers « Voyage en déshérence* », le périple d’un couple de jeunes gens confrontés à un monde bouleversé, et déployant toute leur énergie et leur intelligence pour survivre dans cet univers hostile.

*Au sens propre la déshérence c’est l’absence d’héritiers et au sens figuré ce mot désigne l’abandon.

Mon projet

Ils sont jeunes, amoureux, et ne supportent plus de vivre dans leur ville surchauffée, où l’Ordre a regroupé toute la population pour échapper aux cataclysmes climatiques et mieux assoir son pouvoir.
Mais, eux, vont devoir accomplir une mission scientifique dans le monde extérieur réputé invivable…

Ce roman d’anticipation dépeint une société dans laquelle il est impossible d’échapper à l’emprise d’un pouvoir qui contrôle tout. Une dictature qui s’est imposée par la force en prétendant échapper au chaos dû au changement climatique. Les personnages devront à la fois affronter les forces destructrices d’une nature détraquée et échapper aux griffes d’un Ordre impitoyable.
Nous voyons aujourd’hui se multiplier les bouleversements provoqués par l’augmentation accélérée des températures, ce récit ouvre une réflexion sur leurs conséquences écologiques mais aussi économiques, sociales et politiques dans la société que connaîtront nos descendants. Il s’adresse aussi bien aux lecteurs qui aiment anticiper le monde de demain qu’aux amateurs d’aventures romanesques.

Extrait

L’homme les tenait en joue, l’air pas commode du tout, surtout il avait un fusil entre les mains. Un vieux modèle, pour autant qu’ils puissent en juger, à deux canons juxtaposés. Il paraissait bien décidé à s’en servir. Il pourrait être mon grand-père se disait Antonin tout en levant ses mains. Vêtements poussiéreux, coiffé d’un chapeau à large bord, le visage mangé de barbe blanche, les yeux rétrécis sous les sourcils broussailleux, tout droit sorti d’un roman de piraterie pensait Charline en faisant de même. Il s’était glissé silencieusement dans leur dos alors qu’ils s’étaient arrêtés, épuisés, pour observer le village vers lequel les conduisait la route empruntée au petit matin. Courbés sur leur guidon depuis l’aurore, ils avaient parcouru une longue distance depuis R.. Pas d’obstacles majeurs, la triste monotonie des collines pelées et des plaines caillouteuses. Le vide, partout la mort, la fatigue. Et maintenant ces maisons rassemblées à quelque distance. Prudence. Il leur avait semblé bizarre ce village. Méfiance, pas question de revivre les mésaventures des jours précédents. La route traversait ce gros paquet de bâtisses, quelques centaines d’habitants autrefois, pas plus. Avant de s’engager ils préféraient observer, au moindre signe suspect ils feraient un large détour. Ils s’étaient donc arrêtés au flanc d’une colline pour l’examiner. Aucune trace de vie. Normal, comme partout les habitants avaient été regroupés et conduits dans les centres urbains. Par contre la totalité des toitures réduites à des amas de poutres carbonisées c’était moins normal.
« Ce village a été incendié ! » avait conclu Antonin.
Charline n’avait pas eu le temps de confirmer, l’ordre de lever les mains venait de claquer sèchement dans leur dos.
L’homme se tenait prudemment à quelques pas de distance, il les observait avec curiosité. Un moment de silence puis il se décida :
— Vous n’êtes pas de la police vous, ou alors le monde a changé sans que je m’en aperçoive !
Charline comprit immédiatement, ils avaient à faire à un réfractaire, il avait refusé la concentration urbaine, avait fui, vivait caché dans quelque coin isolé. Libre.
Peut-être pas vraiment dangereux mais il fallait se montrer prudent.
— Vous le voyez ! Nous n’avons rien de commun avec la police ou l’armée, nous ne représentons pas l’Ordre.
— Alors qu’est-ce que vous venez foutre ici ? Les étrangers ne nous ont apporté que le malheur.
Charline eut beau expliquer posément qu’il n’avait rien à craindre de la part de naturalistes en mission de prospection, l’autre demeura menaçant.
— Tu te paies ma tête oui ! Ça fait longtemps qu’il n’y a plus rien à prospecter, regarde autour de toi !
Il hésita un instant puis indiqua une direction avec le canon de son fusil.
— Allez passez devant avec vos engins et pas un geste, j’ai l’œil sûr et la gâchette facile.
On va tirer ça au clair et comprendre ce que vous foutez là.
— Où nous emmenez-vous ?
Antonin comprit qu’il devait très vite réagir si l’occasion se présentait, ce type n’était certainement pas tout seul et il ne savait pas entre les mains de qui ils allaient tomber.
— Tu verras bien, allez marche devant, les mains bien posées sur ton guidon et ne fais pas d’histoire.