La puissance de l’amour et du pardon se révèle essentielle au cœur de cette histoire. Les trajectoires intimes de chacun des personnages d’une famille, fracassée par le drame de la dictature en Argentine, nous plongent dans l’intériorité de leurs souffrances, à travers leurs différents points de vue.

Quoi de plus beau que ces retrouvailles, trente ans après la tragédie, rendues possibles grâce à un livre écrit par la grand-mère ? Je mêle ici la portée considérable de l’écriture, à la richesse du partage historique sur la dictature militaire en Argentine.

Ici naquit Ana, mon troisième roman, est une manifestation de mon attachement à l’humanité. À travers ses personnages, j’aspire à dépeindre la vie dans toute sa complexité. Je reste convaincue que chaque histoire racontée ou partagée est une pièce précieuse du puzzle de l’humanité.

Extrait de Ici naquit Ana par Marie Souffron

         « J’en reviens à ce moment où je souhaitais ardemment me retrouver seul, pour enfin lire ton livre. J’ai marché jusqu’à ce que j’appelle « mon chez-moi ». Une unique pièce, dans une ancienne coopérative viticole à l’abandon, qui m’abrite depuis tout ce temps, sans que personne ne vienne jamais me poser la moindre question. Cette horrible pièce que je découvre enfin réellement, et qui m’a pourtant mis à l’abri des intempéries, des gens, de la vie. Je me suis écroulé contre un des quatre murs sombres et tristes, et j’ai lu.
J’ai lu, et lu, et lu. Jusqu’à la dernière ligne, d’un trait, sans bouger mon vieux corps meurtri.
J’ai lu et j’ai souri, je ne savais plus sourire, ça m’a fait mal aux joues.
J’ai lu et j’ai pleuré, je ne savais plus pleurer, juste à l’intérieur, ça m’a fait mal partout.
J’ai lu et j’ai crié, de rage, de colère, de frustration, je ne savais plus crier, ça m’a fait mal aux cordes vocales, et au ventre.
J’ai lu et j’ai balbutié, je ne savais plus parler, ça ne m’était plus arrivé depuis si longtemps.
J’ai lu et j’ai hurlé, de stupéfaction, d’ahurissement, de consternation, je n’avais plus hurlé depuis la fin des tortures, mais ce n’étaient pas les mêmes hurlements, ceux-là suaient le calvaire, l’effroi et l’épouvante, alors que ceux-ci tempêtaient, au fil de ma lecture, et m’assénaient une telle charge que ça m’en coupait le souffle. Ce cri lugubre et profond qui sortait de ma gorge se prolongea, et dura tant qu’un chien voisin m’accompagna. Nous devenions deux loups et nous ne savions plus que hurler. De fureur, de frayeur, de joie, de peur. Je me suis cassé la voix, sans y faire attention.

Ma petite Ana aussi est en vie ! C’est colossal ! C’est invraisemblable ! »

Ouvrages du même auteur :

• Le fil invisible, 2003
  
• Il faut que je vous dise, 2009