Entretien avec Chantal Farfar Mory – La dernière étoile
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
Écrire a toujours été un rêve, un souhait et ce très jeune. Je viens d’une famille où l’écriture n’est en aucun cas un métier, un passe-temps tout au plus. A l’école j’aimais beaucoup les rédactions, les dissertations, c’était l’occasion d’écrire, de défendre ce à quoi je croyais. Pendant mes nombreuses années d’activités écrire des courriers pour expliquer des faits, proposer des solutions à occuper une grande partie de mon temps. Cela a, sans doute été une activité que j’appréciais particulièrement et au vue des résultats obtenus, mes courriers devaient être convaincants. Quand l’âge de la retraite a commencé à poindre son nez, il a fallu imaginer de quoi pourrait être faite mes journées.
Comme beaucoup j’aurai pu me lancer dans les œuvres caritatives, le bénévolat le soutien aux plus démunis, ou dans toutes les activités proposées aux seniors, club d’aînés, excursions, je me suis rendue compte que même si tout cela pouvait m’attirer et me plaire ce n’était pas mon désir profond. Je voulais réaliser un rêve et celui qui m’était le plus cher était d’écrire. Mais écrire quoi, comment ? L’écriture a beaucoup de facettes, de style, de genre comment savoir celui qui me convenait. Je me suis inscrite dans une formation dès le premier mois de ma retraite afin de tester mon genre, mon style. Il s’est révélé que raconter des histoires étaient le genre qui me convenait le mieux.
Mais quelle histoire raconter, la mienne je n’étais pas prête pour cela. Mais je pouvais utiliser mes expériences de vie pour inventer une histoire. Par ailleurs ce qui m’a semblé important c’était d’avoir un lieu pour écrire. Un endroit où je me sente bien. De la fenêtre je dois pouvoir voir le ciel. Avoir des livres sous la main et de la musique. Pendant que j’installais cet espace, une histoire s’est formée dans mon esprit, celle de Nedjma. Lorsque ma pièce avait l’allure que je voulais je me suis mise à écrire, à raconter l’histoire de cette petite fille sortie de mon imagination. En quelques mois cette histoire a pris du poids, du sens et je l’ai faite lire à quelques personnes de mon entourage. Leur enthousiasme était sans limite. Ils m’ont encouragé à la faire publier.
En janvier 2023 j’ai eu le plaisir de recevoir un exemplaire de mon livre « La dernière étoile ». C’est un souvenir inoubliable, assise dans ma cuisine j’ai ouvert le paquet. Ma joie était sans limite, je me suis mise à hurler, à sauter de joie, à rire, à pleurer. Les émotions étaient si fortes et si mélangées que je ne savais comment les exprimer, les faire partager. Un moment magique même si cela aussi été un moment de grande solitude. Mais quelle solitude délicieuse, pleine de fierté et un sentiment de revanche sur une vie difficile à me battre pour exister.
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
J’ai eu de nombreux retours de la part de lecteurs, tous très positifs et avec le même sentiment que j’avais réussi à leur transmettre toutes les émotions que pouvaient traverser ma petite héroïne. Certains reconnaissant qu’ils avaient pleuré, ri, souri en lisant ce roman. D’autres ont avoué avoir sacrifié presque deux nuits pour savoir comment cela allait se terminer. Certains ont reconnu s’être réconcilié avec le roman en lisant La dernière étoile.
Les commentaires reçus ont tous été positifs et très encourageants.
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
Cette expérience d’édition m’a surprise par sa facilité, sa fluidité. J’avais en face de moi des personnes qui comprenaient mes questions, mes désirs. A aucun moment ce ne fut une expérience « casse-tête ». J’ai juste eu du mal à accepter le temps que cela a pris avant d’avoir mon livre entre les mains et j’ai trouvé l’attente un peu longue. Mon seul regret est d’avoir dû limiter mon choix de couverture à des images gratuites et de ne pas avoir pu composer différemment cette partie visuelle très importante. Ceci dit je le trouve très beau et il me ressemble bien.
Cette expérience d’édition m’a encouragée à ne pas en rester là dans l’écriture et de poursuivre dans mon rêve.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
Je ne suis pas certaine que mon livre soit original mais il s’est voulu être un moyen de dénoncer la souffrance que subisse des enfants maltraités et ce dans toutes les couches de la population riches et pauvres. Ce qui me semble aussi important c’est de faire comprendre que même si la maltraitance s’arrête, des dégâts ont été faits sur ceux qui les ont subis et que les conséquences de coups, de mauvais traitements, de négligence durent tout au long de la vie et qu’ils doivent apprendre à vivre avec, et ce n’est pas si simple. Le corps, l’esprit, l’âme sont remplis de souvenirs qui ressurgissent quand personne ne s’y attend.
Je ne suis pas certaine que ce soit ce qui a été perçu ou retenu en premier, les lecteurs m’ont surtout rapporté la capacité de transmettre l’émotion. Ils ont ressenti avec force ce que vivait la fillette provoquant chez eux de la colère, des larmes et ne comprenant pas toujours l’espèce de passivité du père.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
Mon travail d’écriture a été un véritable plaisir. J’ai passé cet hiver là sans même le voir. Sans le vouloir ni le décider, je me suis imposée un rythme d’écriture assez surprenant. Deux heures le matin, deux heures l’après-midi, tous les jours de la semaine. Je ne me suis préoccupée que du sens de mon histoire et j’ai ainsi écrit des pages et des pages sans me préoccuper des chapitres, du nombre de pages. Mais avant de mettre sur papier, l’histoire devait être écrite dans ma tête. Donc toute activité que je pouvais faire, ménage, rangement, promenade du chien etc. étaient l’occasion d’inventer, d’affiner, d’imaginer le quotidien de la petite fille. J’ai probablement écrit dans ma tête le double de page mais ce qui sortait sur papier était la version la plus acceptable et celle que mon cerveau avait retenu.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
Après cette expérience plutôt réussie d’écriture et d’édition j’ai bien entendu envie de poursuivre et d’écrire un autre livre. Il est fort probable que la maltraitance sur les enfants et les conséquences sur leur avenir soit le thème encore une fois. Mais avec une approche différente et sur une durée de vie plus longue afin de démontrer comment vivre avec les dégâts subis lors des premières années de vie. L’originalité sera peut-être de prouver que la maltraitance des enfants est une espèce de chaîne qui conditionne leur vie, leurs choix et que de vivre libre est un apprentissage vraiment douloureux et difficile.
Chantal Farfar Mory, auteure de La dernière étoile, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.