Être optimiste mais pas candide, avoir foi en l’humanité malgré les fourbes, croire que tout arrive pour une raison et qu’il y’a du bon à retenir mêmes des événements les plus sombres. Ne jamais rien lâcher, continuer à traîner ses pattes ensanglantées dans le désert vers le mirage d’une oasis… ce n’est pas seulement un leitmotiv, mais un mode de vie, le mien.
J’ai voulu vous partager ce projet écrit en 2014 après le décès de l’un de mes amis d’enfance des suites d’Ebola. Personnel de l’hôpital de Macenta, il s’est sacrifié en première ligne de la lutte contre cette épidémie qui a endeuillé plusieurs familles dans ma ville natale. J’ai voulu que cet épisode douloureux de l’histoire de mes racines soit gravé au travers de ce livre afin que l’on se souvienne.

Massada (Macenta) est une petite ville tranquille du sud-ouest de la Guinée, rythmée par les enjeux de la vie quotidienne. Le docteur Koly Guilawo, médecin-chef de l’hôpital régional, et sa famille y vivent une vie paisible, lorsqu’un virus mystérieux et hautement mortel fait éruption dans la ville. Sous-équipé et mal préparé, le personnel de l’hôpital, sous la direction du docteur Koly, tente de s’organiser pour lutter contre le virus Ebola, mais le virus semble avoir une longueur d’avance. Zélama, le fils aîné du docteur Koly, est un jeune lycéen qui passe son temps à jouer au football et à traîner avec ses amis. L’apparition du virus mortel va progressivement bouleverser leur vie. Cet ouvrage, largement inspiré de faits réels, est un mélange d’histoires tragiques et d’histoires d’amour. Il vous emporte au cœur de la plus grande crise sanitaire de l’histoire de la République de Guinée, suite à l’apparition du virus Ebola, au sud du pays, en 2014. Ce livre aborde l’amour et les relations sexuelles de manière décomplexée, les croyances et tabous, sous le poids d’une tradition africaine mise à rude épreuve par les vagues exogènes de modernité.

Extrait de Massada par Hector Guilavogui :

« Il était environ six heures maintenant. Au ciel, le soleil ne semblait plus du tout indécis, il avait clairement montré son penchant pour l’un des quatre horizons.
A l’hôpital, l’équipe de jour se préparait à laisser sa place à celle de la nuit parmi le corps médical. Le médecin chef, docteur Koly Guilawo, avait ôté sa blouse et s’apprêtait à rentrer à la maison également. Mais il y avait encore un petit détail à régler avant. Un de ses amis médecins, docteur Léno, lui avait dit qu’il souhaitait le voir à la fin de la journée pour un cas un peu délicat. Il ferma donc son bureau et se dirigea vers celui de son collègue.
– « Bonsoir docteur Léno », salua-t-il, en passant la porte du bureau de son collègue.
– « Bonsoir docteur Koly, je vous attendais impatiemment. Prenez donc place.
– Docteur je ne puis, je suis sur le point de rentrer chez moi. La journée a été assez longue.
– Prenez place s’il vous plait docteur, je tâcherai de ne pas être assez long dans mon récit.
– D’accord, si vous y tenez tant. Allez-y, je suis tout ouïe.
– Bien, vous rappelez-vous de mon neveu malade qui est venu de Guéckédou avant-hier ? Celui que nous avons hospitalisé ici même dans le bloc A.
– Oui, je m’en souviens. Où voulez-vous en venir ?
– Eh bien… son cas me préoccupe un peu. Jusqu’à hier, il ne développait que des symptômes du paludisme. J’ai ordonné à l’infirmière de lui administrer des traitements que j’ai moi-même prescrits, mais sa fièvre a au contraire fortement augmenté ce soir quand je suis allé le voir. Il transpire de plus en plus et présente des signes d’hématémèse profuse et spontanée m’a-t-on fait savoir.
– L’avez-vous fait réhydrater ?
– Oui, mais il reste très asthénique malgré tous les traitements habituels déjà administrés.
– Conduisez-moi jusqu’à lui, je vais voir son état avant de rentrer.
– Ce n’est pas la peine docteur. Comme il se plaignait de douleurs, l’infirmière lui a donné un somnifère pour qu’il retrouve un peu le sommeil. Il doit être endormi maintenant. Je vous ai déjà assez occupé comme ça, rentrez donc vous reposer, vous le verrez lundi.
– D’accord. Allez, j’y vais. Bonsoir docteur. »
Docteur Koly se leva et se dirigea vers la sortie. Il avait l’air très pensif, il savait que le regard de son collègue n’était pas celui d’un médecin rassuré. Il savait que docteur Léno s’inquiétait beaucoup pour son neveu. Mais il était convaincu que ce n’était qu’une variante du paludisme et que le neveu de son collègue se rétablirait très vite. Quand il atteignit la marche sous la porte, il retourna le regard vers son collègue.
– « Léno… ton neveu ira bien », dit-il avec assurance.
– « Oui, je l’espère bien », répondit docteur Léno, peu confiant.

Docteur Koly referma la porte du bureau derrière lui, longea le long couloir du deuxième étage, descendit les marches des escaliers jusqu’au rez-de-chaussée, pris sa moto au parking et entama le chemin du retour à la maison. »