Le thème de ce livre est de démontrer la difficulté actuelle à déterminer ce qui fait sens pour nos communautés. Son originalité est d’utiliser le textile comme une « matière à penser ». La pensée humaine a toujours eu une certaine « plasticité » qui a permis à l’être humain d’évoluer, avec le concours de l’imagination. Et la société s’est structurée par la matérialisation d’un treillis de significations (symboles). Aujourd’hui, le cyberespace, et bientôt le métavers, nous immergent dans un réseau global de la connaissance intuitive. Il s’avère nécessaire de redéterminer ensemble un nouvel « ancrage symbolique » pour construire un monde signifiant, non pas malgré, mais avec le virtuel. Pour ce faire, il faut d’abord que chaque individu soit autonome, libre d’élaborer ses propres images. En lisant ce livre, vous vous questionnerez sur comment être « humain » à notre époque de transition numérique et écologique.

Extrait

L’histoire de chaque être humain s’inscrit dans un « espace-temps » donné. Il évolue dans son « propre univers » qui est fonction de sa perception du monde, des autres et de lui-même. À la naissance, il est doté d’un corps qui quitte définitivement celui de sa mère, et vient progressivement s’inscrire en tant qu’expression plastique et spatiale de la société dans laquelle il vit. Ce corps lui est propre, et il conditionnera ensuite toutes ses sensations à travers ses organes sensoriels.

Odysséas Elýtis apporta à la poésie grecque une image contemporaine où il aimait mêler l’utopie et la magie, la nature et l’espoir dans l’existence humaine. Dans « La Genèse », constitutive de son œuvre maîtresse « Axion Esti », il incite à voir par-delà les miroirs et à contempler la vie quand elle est totalement dévoilée. Il évoque l’humain, fait de matière et d’esprit, et le ramène à la simplicité de ses origines : « Je l’ai senti venir et se pencher au- dessus de mon berceau… Ta mission, a-t-il dit : cet univers-ci car il est tracé au fond de tes entrailles… (Elýtis, 1959) ».

Jusqu’à présent, le temps et l’espace tissaient la trame de notre univers physique, et ils permettaient d’y inscrire notre activité humaine. On peut constater qu’avec les univers virtuels, ces repères se trouvent comme distendus. L’hybridation de notre environnement physique avec le digital bouleverse les points de repère de l’Homme, c’est à dire son ancrage dans le réel : nous avons le sentiment d’être en phase de mutation entre deux mondes.
Trouverons-nous de nouveaux points de référence autour desquels nous structurer pour ne pas perdre notre identité ?

[Stelios et ses cinq sentinelles] Il y a bien longtemps, dans la contrée de Paphlagonie, naquit un enfant roux que sa mère appela Stelios. La fée Sentine veillait discrètement sur le nouveau-né, tant et si bien qu’il s’éveillait au monde en affûtant chaque jour ses sens. Elle l’avait doté de cinq petites sentinelles avec lesquelles il vivait en bonne intelligence…

Image 1 : Tissu Réf. SS24_design_KarolinaYork_54631_TXT_O253 © Karolina York
Image 2 : Caption: Philip Beesley and Diane Willow, Orgone Reef, 2003. Photo by Philip Beesley. Courtesy of the artists.
Image 3 : Illustration « Stelios dans le treillis du métavers » ; composition graphique 2023 © T3Nel