Entre Cavalaire et le Cap Nègre, l’anse du Paradis est aussi sublime que sauvage. Et pareillement maudite puisque les drames inexpliqués s’y succèdent depuis six ans. Le dernier est la disparition, une nuit, de quatre étudiants venus y faire la fête. Ils se sont littéralement volatilisés.

Les détectives Torpédo & Amer enquêtent. Torpédo est une étrange madone florentine amputée d’une main, aux intuitions surprenantes. Georges Amer fut un détective fameux sur Lyon. Mais il vieillit, et mal. Le travail des détectives s’avère ardu. Ils sont confrontés à une psychose, une omerta et à l’hostilité de la gendarmerie. Ils s’efforcent de trier dans les hypothèses: bain de minuit fatal, coup de folie d’un des garçons, mauvaise rencontre ou piège laissé par la Wehrmacht, qui édifia une énigmatique défense dans l’anse du Paradis.

Voulant étayer leur théorie quant aux disparitions, les détectives pénétreront dans un labyrinthe interdit et de chasseurs, ils deviendront proies. La vérité révélée sera un inimaginable effroi.

Extrait

Petit con, pensa-t-elle, et elle plongea.

Elle fila sous l’eau puis émergea dans une émulsion de méditerranée et de lumière. S’enfonça à nouveau et palma avec force, droit sur le goulet. Il lui sembla entrevoir l’entrée d’une grotte sous la jetée.

Laura filait vers ce point où au turquoise succédait un vert vaguement mordoré, irisé, qui suggérait de l’huile ou du bitume, une aberration des profondeurs. Elle remontait brièvement pour se situer, elle arrivait sur l’ouvrage d’art- du béton gris et des coulures de rouille- qui s’était fracassé, dispersé en blocs chavirés hérissés de ferraille. Un épisode de la guerre, supposait-elle. Y avait-il une galerie là- dessous, une sorte de bunker ? Elle espérait seulement que ça n’était pas les égouts du coin. En tout cas, elle ne ressentait pas d’appréhension, que l’excitation d’une exploration. Laura en voulait un peu à Arnaud de ne pas l’accompagner. Méditait à nouveau de le larguer.

Quand la chose lui transperça la jambe, Laura hurla et avala une quantité d’eau qui faillit la noyer. Elle ressentit une douleur inimaginable, un tesson incandescent s’était fiché en elle et très vite, l’eau changea encore et maintenant, elle était rouge de son sang. Elle comprit qu’elle allait mourir si on ne la secourait pas très vite. En dépit que sa blessure paraissait la tirer vers le fond et que la souffrance lui brouillait les idées, elle parvint à refaire surface. Sa tête émergea dans une fleur sanguinolente, qui s’élargissait encore. Pétales, filaments rosâtres d’une boucherie et elle au milieu de cela, le trou noir de sa bouche écartelée, cette laide panique qu’elle n’avait jamais expérimentée.

Le Rand Suprem n’était pas si loin mais il lui parut impossible à rejoindre. Elle se sentait faiblir, tout son sang qui se diluait. Seule, la douleur l’empêchait de fermer les yeux. Laura criait, gesticulait vers le bateau. Coulait. Remontait. Buvait, crachait et émettait de dérisoires protestations, sans plus de force que des bulles. Le bateau sembla s’éloigner encore.