Mon livre témoigne de la réalité de la psychiatrie depuis ces trente dernières années. Diagnostiqué tardivement atteint de troubles schizo-affectifs, après avoir été désigné souffrant de bouffées délirantes, puis de trouble bipolaire. Je relate mes crises et ma vie dans les intervalles. Interné à plusieurs reprises, j’écris sur les rapports de la médecine psychiatrique et le patient au long cours que je suis et pense par ce biais intéresser les personnes touchées par ce type de syndrome. Par ce récit, je déborde largement sur d’autres domaines dont l’architecture qui est mon métier en évoquant en particulier les cabanons de bord de mer qui sont à l’origine de ma carrière.

Extrait

À la Clinique des Vignes, je fais ma place en quelques jours. Ce n’est pas que je m’y ennuie, mais il y a quelque chose qui cloche. Les médecins, on ne les voit jamais et quand on les voit, ils nous laissent dans un profond sentiment d’insatisfaction. J’ai eu mon premier rendez-vous avec le docteur Trekiste. Ce que je pense, même si c’est la chose la plus importante à mes yeux, ne saurait être retenu. À son expression fuyante, je lis « classement vertical » à chacune de mes paroles… Mais moi, je suis dans l’urgence de témoigner ce qui importe dans l’instant présent, me mettant dans l’état incertain d’une euphorie avide de nouveauté. À émettre quelque chose de l’ordre de la gaieté, je m’en rends compte, je suis considéré comme malade. Il faudrait, pour bien faire, se montrer dépressif, ralenti, peu amène sur ce qui m’arrive. Au lieu de ça, je ne peux m’empêcher de jubiler. J’ai enfin en face de moi un interlocuteur compétent. Pourtant, je le constate, et ce dès le début de notre entretien : le Docteur Trekiste ne partage pas mon désir ardent d’échanger. À me dévisager de ses yeux ronds, il me trouble avec ses airs hermétiques de celui qui a la ferme intention de clore la conversation au plus vite. J’ai une médication. La chimie… Prendre son traitement… Je quitte le cabinet du médecin sans réponse de sa part.