Comme d’autres diplomates j’ai éprouvé le besoin d’écrire mes Souvenirs. Mais on n’y trouvera pas de descriptions de rencontres au sommet ou de négociations internationales.
J’ai servi sur cinq continents et dans des pays du tiers monde en majorité. C’était une autre forme de diplomatie mais c’était celle qui m’attirait et pour laquelle j’étais entré aux Affaires étrangères. Et c’était beaucoup plus vivant et varié, quelquefois même « sportif », que ce que j’avais pu imaginer. J’ai voulu laisser un témoignage sur des événements vécus ou marquants dans l’histoire de certains pays, mais aussi décrire de l’intérieur le métier de diplomate et la vie d’une ambassade avec ses drames, ses personnalités hors normes, ses conflits, et ses (quelques) ambassadeurs à l’ego surdimensionné par la fonction. J’ai souhaité être totalement honnête et sans langue de bois. Certains en seront surpris !

Extrait

J’avais eu l’occasion de serrer la main du roi à deux ou trois reprises à l’occasion de la Foire internationale du That Luang à Vientiane lorsque les diplomates de l’ambassade se tenaient en rang d’oignons pour l’accueillir avec tous les honneurs devant notre pavillon. Surtout, j’avais été invité au palais royal de Luang Prabang pour le Pimay (nouvel an bouddhiste) à la mi-avril 1975, le dernier Pimay à y être ainsi célébré. Les heureux présents eurent droit au spectacle du Ramayana, magnifique, féérique et presque irréel dans la nuit noire sous les projecteurs dans les jardins du petit palais royal mais traînant en longueur comme il se doit… une impression d’être hors du temps, de vivre les derniers instants d’une époque, d’une civilisation… Les buffets à l’intérieur offraient de la nourriture typiquement laotienne, sauterelles grillées et autres délices…Les troupes vietnamiennes et du Pathet Lao étaient proches et la Chine de Mao Tse Toung n’était qu’à deux cents kilomètres. Mais surtout les événements en cours au Vietnam et au Cambodge suscitaient la plus grande inquiétude et laissaient présager que ce monde-là n’en avait plus pour bien longtemps. La séance que j’avais sous les yeux d’un spectacle inchangé depuis des siècles, mettait peut-être un point final et définitif à la monarchie laotienne. De fait, elle ne lui survécut que quelques mois.