Le thème de ce roman pourrait s’intituler « les pouvoirs de l’amitié », car dans ce récit les liens d’amitié profonds qui unissent les deux personnages principaux permettent à l’un de reprendre goût à la vie après avoir été témoin d’un génocide et à l’autre de réaliser enfin son rêve artistique ultime. Une amitié alimentée par leurs différences, culturelles, d’origines, de classes sociales.
A travers leurs expériences des sujets très différents sont abordés : le vécu des photographes de guerre, les épreuves qu’ils surmontent, les doutes, la culpabilité parfois. Et l’interprétation et la composition en musique aussi. D’autres encore en relation avec l’art, les rencontres, le partage, par exemple.
Cet éloge de l’amitié sera, je l’espère, porteur d’une bonne dose d’optimisme.

Extrait

Juste avant le repas Gianni a voulu regarder le journal télévisé de 13 heures. Lorsqu’est venu le moment d’aborder le sujet du Rwanda en fin d’émission Gianni s’est crispé. D’abord il y a eu les mêmes images de l’exode, des routes envahies de gens qui paniquent. Et les commentaires sur la catastrophe humanitaire dramatique qui vont avec. Mais c’est quand est apparue l’interview d’un préfet en fuite que Gianni a explosé.

— Je vois qui c’est, il faisait partie des préfets nommés le 17 avril. J’étais là quand ils ont présenté ces gens, c’était le jour où les français ont dû quitter Kigali. Il avait été choisi pour ses états de service, parce qu’il faisait partie du Hutu Power entre autres choses. Donc évidemment du côté des génocidaires.

En écoutant le préfet jouer les victimes, clamant que tout un peuple va être massacré en représailles, et demandant de l’aide à la communauté internationale, Gianni avait les poings si violemment serrés, les ongles plantés dans la chair, que Julien a eu l’impression que le sang allait en jaillir. Le visage blême, les yeux exorbités, Gianni s’est mis à crier, sous les regards plus incrédules que désapprobateurs des autres clients.

— C’est dégueulasse ! Ce type a participé au génocide, il donnait les ordres, et encourageait les massacres de masses. Et là il pleure. Je suis dégoûté.
Puis il est sorti précipitamment, suivi à distance par Julien. Rose alertée s’est précipitée sur le pas de la porte. Julien lui a expliqué très brièvement la situation. Puis il a rejoint son ami sur la place, assis sur un banc, essayant de contrôler ses tremblements.