Ce récit n’est une histoire, la littérature, comme la musique, n’est pas que « conter des histoires», c’est aussi un questionnement, une promenade dans le jardin des sensations. Comme le dit l’un des personnages, écrire pour « sortir de mon esprit ce qui y tourne ». Chacun des personnages est questions, contradictions, hésitations, sentiments complexes. Ils sont les piliers autour du sékos des sentiments, temple fermé virtuel, les colonnes d’un périptère. Ceci est leur récit, peut-être aussi celui de la lectrice, du lecteur, ainsi qu’il l’est pour l’auteur.

Les personnages, femmes et hommes sont intelligents, cultivés. Ce cheminement dans une sorte d’Olympeion, est sans doute loin de la société quotidienne : l’auteur souhaitait analyser des sentiments, des pensées, en les dégageant du « bain social » où nous sommes tous plongés..

La solidité de chacune des parties de ce livre compense une construction d’ensemble qui ne manquera de surprendre le lecteur, que celui-ci reste serein, arrivé au terme de son parcours de lecture, il pourra savourer le panorama général, je l’espère y prendre un certain plaisir esthétique.

Extrait

Périptère hexastyle, aurait pu s’intituler ce récit, telles ces colonnades qui entourent les temples grecs (ou l’église de La Madeleine à Paris, par exemple), ces atlantes et cariatides extérieurs au lieu, soutenant les bords du chapiteau et de l’entablement, souvent au nombre de six, d’où « l’hexa ».
Six, comme les six personnages qui apparaissent dans ce texte, entourant ici le temple des sentiments, amoureux, de la vie, du monde des idées, d’inquiétude, devant une réalité perturbée et dangereuse. Chacun des héros de cette histoire vit d’abord un monologue, laissant son esprit parcourir diverses contrées, avec foi en la raison, la science, la philosophie.

Ni tristesse, ni regret pour le plus âgé d’entre eux, enthousiasme mâtiné de réflexion et de calcul pour les autres, goût de l’art et de l’étude pour tous. De même que les colonnes sont connectées par le toit, tous les six sont reliés par le sommet, par la pensée, mais portant le poids du toit de la vie, qui recouvrait le sanctuaire des sentiments et des émotions, lieu de l’intelligence du non-quantifiable.

Armand, Laura, Isabelle, Laurent, Alban, Valeriane, colonnes d’un commun temple, mais aussi creuset, autour des mystères fluctuants des émois et des affections, entourés aussi d’Olindo, Andrew, Antea…

Il est un point qu’ils partagent : le rejet de la souffrance imposée par certains à d’autres. Faire souffrir est au plus haut point déplaisant, voire déplacé, manque d’égards à sa propre condition humaine, à soi-même pour tout dire. Bien sûr, il est des circonstances ou imposer une souffrance affective est inévitable, mais fruit du manque de rationalité de celui qui souffre, de clairvoyance : je ne t’aime plus, tu m’aimes, regardons les faits froidement, enlevons la gangue des affects incontrôlés. La souffrance existe, tant de conditions extérieures nous y confrontent, volontairement acceptées ou subies, mais la répliquer sur une ou un autre est du dernier vulgaire, inadmissible, ressortissant de bas instincts que même les animaux ne connaissent. La voie rationnelle est celle de l’union à l’expérience de l’existence, à une loi morale supérieure.