Entretien avec Mathilde Barbier – #fantôme
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
J’ai eu peur. Je pensais être prête à être lue par un public, jusqu’à ce que ça se concrétise. Là, seulement, j’ai compris que des gens allaient lire mon histoire, découvrir quelque chose de très intime de moi, et qu’ils allaient pouvoir apprécier, mais aussi détester mon travail.
C’était grisant, je n’avais pas envie de reculer, mais c’était vraiment effrayant.
J’ai écrit mon histoire pour qu’elle soit lue. Il y avait un angle dans mon travail. J’ai pensé au lecteur. Pourtant une part de moi n’y croyait pas vraiment. Un genre de « pourquoi pas » était en moi, mais je n’avais pas réalisé ce qui pourrait se passer si ça m’arrivait.
Lorsque j’ai reçu mes exemplaires du livre, que j’ai ouvert le carton, j’ai pensé « ça y est, on y est », c’était plutôt vertigineux.
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
J’avais déjà fait lire mon manuscrit à quelques amis, comme un premier comité de lecture, et les avis étaient encourageants. A la sortie du livre, mes premiers lecteurs étaient mes proches, qui avaient participé au crowdfunding et qui ont donc reçu le livre en avant-première. C’était le plus stressant pour moi, l’avis de mes proches. Ils se sont tous montrés enthousiastes, leurs retours sur le texte étaient positifs. Ensuite, j’ai pu lire les retours d’inconnus, des connaissances de mes proches, qui leur disaient « j’ai adoré », et ça, ça m’a vraiment boostée.
De façon unanime, ce qui est ressorti c’est la rapidité avec laquelle les lecteurs lisent mon livre. Il y a un effet « je ne peux plus m’arrêter » dont tous mes lecteurs m’ont parlé, ce qui est génial à mes yeux, parce que c’est ce que j’aime vivre quand je lis moi-même. Certains ont été choqués, émus, questionnés par mon histoire. J’avais prévu ces retours, mais j’avais sous-estimé la bienveillance dont les gens sont capables.
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
J’ai adoré écrire ce texte. C’était mon second roman. Le premier n’a pas été publié, mais c’était un véritable entraînement d’écriture. Il m’a permis de faire mes premières erreurs, de me chercher, d’explorer différentes pistes pour trouver mon style. Je me suis donc sentie plus à l’aise en écrivant #fantôme. Il y a quelque chose de transcendant quand on écrit comme ça, on sort du temps, de soi. Ensuite on se relit et on corrige, on enlève, on remet, on reformule. C’est un autre travail, tout aussi passionnant. Cette expérience d’écriture a été formidable pour moi. J’aurais aimé la prolonger, ne jamais arriver à la fin de mon texte. D’ailleurs, j’ai cessé d’écrire plusieurs semaines quand j’ai senti venir la fin. Je n’avais pas envie d’y arriver et d’en finir avec ce projet.
Ensuite, le faire lire, le corriger, le présenter pour une possible édition et puis voir cet espoir se concrétiser, c’est une autre dimension. Moins formidable pour moi je dois l’avouer. J’ai dû porter mon projet, le pitcher, me présenter, communiquer sur mes réseaux et finalement me mettre un peu en danger. Lorsque j’écris, je livre beaucoup de mon intimité, mais je suis portée par l’envie de passer un message. C’est un ailleurs. Je me suis sentie moins confiante durant cette étape d’édition, qui m’a ramenée dans le réel. Je pense que c’est normal. La littérature et le marketing ne sont pas le même univers.
Il y a quand même quelque chose de génial à vivre dans cette expérience d’édition, c’est la création de la couverture. J’avais déjà une idée de ce que je voulais, mais je ne savais pas ce qu’il était possible de faire. J’ai donné mes idées au graphiste qui m’a contactée, sans trop y croire. La couverture qui m’a été proposée, c’était ce dont je n’osais pas rêver. Ca m’a aidé à porter mon projet.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
Mon roman est une auto-fiction, c’est donc une histoire vraie. Quand j’ai vécu cette histoire, j’ai cherché de l’aide dans la littérature. J’étais perdue, j’avais besoin de comprendre ce que je vivais et j’avais besoin de mots pour m’aider, mais je n’en ai pas trouvé. Des histoires ont été écrites sur le veuvage, mais nulle part un mot sur le ressenti, le rôle et la place à prendre quand on tombe amoureux de quelqu’un qui est veuf. Je me suis sentie très seule. Quand l’histoire s’est finie sur cette note, et que j’ai raconté ce drame autour de moi, j’ai compris que je devais l’écrire. Les réactions étaient vives, ce n’était « pas croyable ».
L’originalité de mon livre est l’histoire que j’y raconte. Mais pas seulement je crois. C’est aussi le choix que j’ai fait de ne pas dénoncer, de surtout raconter. J’ai revécu mon histoire en l’écrivant. J’ai gardé le beau et le moins beau, avec la volonté d’emmener mon lecteur dans ma réalité, quoi qu’elle diffère de ce qu’il voudrait à ma place. Dans mes émotions, mes questions, ce qui m’a portée, ce qui m’a fait tomber. Je crois que c’est pour cela que ceux qui me lisent ne veulent pas s’arrêter. Ils veulent savoir.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
J’adore découvrir les réponses des auteurs à cette question. C’est toujours très inspirant et rassurant, car ça me dit chaque fois qu’il n’existe pas de « meilleure » méthode.
Je ne suis pas une personne très méthodique de base, donc je ne le suis pas devenu en écrivant. Je m’éparpille souvent. J’ai une idée, je la suis, mais cette idée m’amène sur une autre idée, et souvent je me trouve un peu submergée.
J’essaie de poser les idées qui reviennent souvent par écrit, mais je ne note pas forcément les nouvelles. J’attends un peu qu’elles reviennent. Certaines idées reviennent me hanter, elles prennent de l’ampleur, elles provoquent quelque chose entre mes tripes, je me dis que je dois les écrire, les garder. Je les note et j’observe si quelque chose en découle. Certaines scènes se posent comme ça, avec un genre de frénésie, et la suite s’articulera autour. Si une idée ne revient pas, je trouve ça bien de pouvoir l’oublier.
Je n’ai pas toujours eu le temps que je voulais pour écrire. Parce que l’idéal, tout le monde le dira, c’est de pouvoir le faire tous les jours. Plusieurs heures par jour. Le confinement m’a permis d’écrire #fantôme, mais j’ai quand même dû prendre quelques jours de vacances pour le finir. C’est ça ma méthode. Du temps devant moi. Si je me dis « tiens j’ai deux heures, je devrais essayer », je me retrouve bloquée. Il me faut de l’espace pour m’échapper. Le reste, le plan, l’ordre des événements, les descriptions, les dialogues … tout vient assez naturellement. Tout de même, si j’écris quelque chose, c’est que j’ai un début et que je perçois ma fin. Je sais ce que je veux dire et je sais comment je dois finir. Au milieu je m’échappe. Je n’ai pas de rituel, mais j’ai besoin de solitude et de silence.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
Oui, j’ai d’ailleurs commencé. La publication de #fantôme, les encouragements des lecteurs et cette drôle de période qu’on vient de vivre, qui fait naître des questions plus existentielles, m’amènent à envisager l’écriture de façon plus engagée en m’y consacrant à un niveau supérieur.
Un sujet va et vient depuis quelques années dans ma tête, j’ai donc commencé à poser les idées qui reviennent. Quelques pages ont été écrites, sans trop d’ordre ni de sens, mais je vois le projet s’affiner doucement. Je ne parle à personne encore de mon sujet, j’ai trop peur de le voir s’abîmer si je commence déjà à l’exposer.
Mathilde Barbier, auteure de #fantôme, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.