Entretien avec Amielle – Écoute mon silence
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
C’était un subtil mélange de satisfaction et de tension. J’étais contente de voir la fierté de mes enfants qui l’ont immédiatement emmené à l’école pour le montrer aux copains. Surprise et joyeuse d’entendre les félicitations des personnes autour de moi. Et j’avais peur. Peur que les gens le lisent, soient déçus, le trouvent trop cher, trop petit. Ou pire, qu’ils l’aiment et que je ne sois pas à la hauteur pour la suite qu’ils espèrent, qu’ils attendent.
C’est étrange et troublant ce cocktail de sensations. Moi qui me réjouis facilement de petites avancées, je ne me suis pas arrêtée sur celle-là, trop occuper à me soucier de la suite à donner…
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
La réaction de ma famille et de mes proches m’a surprise et m’a permis de croire en mon livre. Ils le trouvaient profond, intense et vivant.
« Enfin un livre intéressant où l’on ne s’ennuie pas un instant. Il nous fait vibrer d’émotion ! » « Forme et style directs, dynamiques voire fusants. Ça se lit comme un polar. »
« Une approche de la CNV pédagogique, qui permet de s’approprier les méthodes en maintenant de la fluidité dans les échanges et un rythme dans l’intrigue. »
Le commentaire le plus désobligeant est venu d’un journaliste : « Votre roman est abscons. Avez-vous un compte à régler avec les prisons ? »
Thomas D’Ansembourg, conférencier, formateur et écrivain CNV a écrit sur son Facebook :
« Un roman pépite qui pourrait encourager bien des humains à apprendre à écouter au-delà des mots. »
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
Difficile de trouver une maison d’édition qui ne demande pas de participations financières ou un nom célèbre pour un premier roman. J’étais bien décidée à prendre le temps qu’il faudrait pour que ce projet aboutisse. J’étais très occupée par ailleurs, j’avoue avoir tranquillement fait confiance en la vie.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
L’idée c’est d’offrir le cadeau que j’ai un jour reçu : la découverte d’une Communication Naturelle et Vertueuse. Mes lecteurs m’ont confié y être tombés plus ou moins intimement dedans.
La clé d’une telle communication n’est pas dans les mots mais dans la connexion à l’autre. Apprendre comment se relier à l’autre avant d’agir, avant de parler. Ce langage est celui du cœur, que tous les bébés parlent naturellement et que peu à peu on oublie pour répondre aux attentes de la société, s’adapter aux règles de l’école, pour plaire aux parents, aux copains, aux enseignants, au patron… pour se comporter selon ce qui est bien ou mal, ce qui se fait ou ne se fait pas, les interdits, les tabous…
Avec le temps on perd la capacité à se relier à ce qui est vivant en nous et à l’accueillir, sans jugement. « Observer sans évaluer est la plus haute forme d’intelligence humaine », disait Krishnamurti.
Voici un exemple qui m’a marquée par sa simplicité et a ancré ma détermination à utiliser le processus de la CNV, au quotidien et surtout avec les enfants.
Mon fils avait 6 ans, il ne voulait jamais partir en balade, mais une fois dehors, il ne voulait jamais rentrer.
Il ne voulait jamais aller à la douche, mais une fois sous l’eau chaude, il ne voulait plus en sortir.
De la même façon, il ne voulait jamais venir à table.
Selon mes humeurs, je prenais du temps pour le motiver, le stimuler, pour le raisonner, le rassurer. Parfois je m’agaçais. Je l’engueulais ou me décourageais et je me plaignais de ce qu’il me faisait vivre. Mais rien n’y faisait, il finissait par le faire sous la contrainte, en boudant, abattu ou en pleine crise de larmes.
Le premier soir après mon module 1 de CNV, j’appelle mes enfants à table. Comme à chaque fois, mon fils ne veut pas venir. Mais ce soir-là, j’ai pris mon temps. Inspirée par la conscience qu’il ne faut rien faire si ce n’est par élan, regonflée et apaisée grâce à ma formation venue nourrir bon nombre de mes besoins, j’avais envie de comprendre ce qu’il se passait pour lui. J’ai respiré, tenté de me relier à ce qu’il ressentait.
Je n’en savais rien. J’ai alors posé des questions :
— Pourquoi ne veux-tu pas venir à table ? Est-ce qu’il y a quelque chose qui ne te convient pas ?…
Il n’avait aucune réponse pour m’éclairer.
— Tu ne sais pas ce qu’il se passe pour toi, mais l’idée de venir t’est insupportable, c’est ça ?
À son haussement d’épaules et son regard sombre, fermé, dans le vague, ça ne faisait aucun doute.
— En fait, c’est plus fort que toi, pas vrai ? À l’intérieur y’a tout qui bloque ?
La tristesse et le découragement sont apparus sur son visage. J’ai respiré lentement et j’ai enchaîné :
— C’est OK pour moi que tu ne viennes pas à table, ou que tu viennes plus tard, quand tu en auras l’élan. Est-ce que tu saurais me dire ce qui pourrait te motiver à venir ? Y a-t-il quelque chose que ta sœur et moi pourrions faire qui te donnerait envie de nous rejoindre ?
Il a pris quelques instants de réflexion et sa réponse m’a vraiment surprise :
— Je voudrais que personne ne parle.
— Si on ne parle pas, tu es content de venir t’asseoir ? OK.
J’ai demandé à sa sœur si elle était d’accord avec cette demande. Elle a acquiescé. Moi aussi.
J’ai donc servi les assiettes en silence et nous avons commencé à manger, sans un mot. Je le regardais peu, et toujours avec douceur. Comme je m’y attendais, mon fils a rompu le silence en moins de 5 minutes. Il était calme et joyeux. Nous avons plaisanté, parlé de choses et d’autres.
Depuis ce jour, plus jamais il n’a posé de problème pour venir à table.
À mon avis, le silence n’avait rien à voir avec sa difficulté à se mettre à table. Il était souvent le premier à s’agiter, à s’exciter. Mais d’avoir été accueilli dans son refus, entendu dans ce qu’il se passait en lui, malgré lui, de n’avoir aucun jugement sur son état et de répondre à sa demande sans commentaire, cela a suffi.
A-t-il pris conscience que les blocages actuels de son corps n’étaient pas en lien avec la réalité de l’instant ? Peut-être, pas sûr, et peu importe. Quelque chose s’était apaisé en lui, profondément, durablement, comme par magie.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
Pour ce roman, il n’y a eu aucun préliminaire. Je cherchais une idée pour participer au concours des 30 ans de Jouvence. Un petit roman sur la CNV.
L’idée de départ m’est venue dans la nuit et le lendemain, j’ai commencé à œuvrer. Il s’est écrit assez vite. Je me demandais, chaque jour, comment il allait finir et je découvrais au fur et à mesure chacun de mes personnages ainsi que leur évolution. C’était palpitant !
Au préalable, pendant près de 2 ans, j’ai écrit chaque jour, sur un cahier, quelques lignes, quelques pages : mes états d’âme, des chansons, des nouvelles, des comtes.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui, sur quoi avez-vous envie d’écrire pour ce prochain livre ?
J’ai déjà écrit un autre roman où je décris l’impact de la CNV sur la vie parfois violente ou illusoire de cinq personnages. Certaines scènes pourraient heurter la sensibilité du lecteur, c’est pourquoi je ne l’ai pas encore fait éditer.
Je suis actuellement, depuis presque un an, dans l’écriture d’un roman série. Avec intrigue, action et émotion, toujours sur fond de CNV et d’empathie. C’est la raison d’être de ma créativité : distiller conscience, douceur, paix et amour dans ce monde qui, pour beaucoup, en est dépourvu.
Mais ce travail s’avère bien plus complexe qu’un simple roman car il demande d’avoir une vue d’ensemble approfondie et minutieuse de l’intrigue et des personnages. Sacré challenge !
Et comme pour toucher un plus grand nombre de personnes, ceux qui ne lisent pas et ne s’intéressent a priori pas à ce genre de thème, un rêve ne me quitte plus : adapter ma série-roman en scénario d’une série télé.
Amielle, auteure de Écoute mon silence, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.