Texte inédit de Corinne Kuperberg
Retrouvez en exclusivité un texte inédit de Corinne Kuperberg auteure de Les Déplacés, naissance d’une famille.
Bonne lecture !
1 — ROSA
C’est toi que j’invoque, que j’imagine, que j’appelle, avant de sombrer dans ce mauvais sommeil incapable d’effacer les odeurs infectes et les gémissements, toux, pleurs. Seules se calment les démangeaisons.
Comme sur un écran de cinéma tu apparais, immense, toi ma fierté, toi mon espoir, mon seul homme. Mon fils.
Je ne sais plus le nom des jours tant ils sont semblables à eux-mêmes. Nous répétons nos gestes les plus essentiels, mais dépourvus de tous sens. Parce que l’on nous obligent, parce qu’obéir c’est vivre encore un jour. Il flotte ici un air vicié inconnu où nos corps en un ballet déterminé, agissent.
Jusqu’à quand vais-je laisser mes jambes si maigres baigner dans ces fossés glauques et gelés que je creuse de mes propres mains décharnées. Jamais nous ne nous demandons pourquoi.
Suis-je née pour me blesser ainsi, m’avilir, m’affamer, me détruire ? Coupante froideur ou chaleur étouffante, vent sifflant, je disparais dans la pluie, je voudrais fondre, me confondre, devenir boue de l’automne, poussière d’été.
Mais je reviens toujours dans le châlit, la nuit, entre deux esclaves, et toutes nous cherchons le sommeil malgré l’épuisement. Et je te convoque. Nos souvenirs sont une illusion de douceur que je retiens comme je peux.
Demain n’est jamais un autre jour alors mes pensées tournent en rond. Ton visage volontaire, tes épaules d’homme, la langue de France que tu possèdes, je me réconforte. Et puis revient et revient encore ce moment où je t’abandonne à la providence. Cet instant où l’on m’arrache à toi, les coups des gendarmes, frappés à notre porte, résonnent toujours en moi. Le glas.
Je retiens ce regard entre nous, étrange mélange d’amour, de réassurance, tentative désespérée de suspendre dans l’éternité nos étreintes bouleversées. Dix-sept ans et j’enlace tes épaules d’homme, tu as la taille d’un homme et je m’accroche à ton sourire si doux dans ta mâchoire serrée. On ne pleure plus à dix-sept ans.
Ce fut bref : ma supplication, la bonté des gendarmes, la promesse de me livrer pour garantir ta fuite. Ces deux coups frappés à notre porte résonnent inexorablement en moi, écho assourdissant du moment où notre vie a basculé dans l’inconnu, car rien de ce qui arrive depuis ne ressemble à ce que j’ai connu..
Je te raconterais ou peut-être je te tairais l’antichambre. Drancy. Cité de la Muette emplie des sons feutrés de nos impuissances, de nos corps réduits à leurs expressions d’absorption, de vidange, de torsions douloureuses. Nos peurs sont régies par une organisation implacable. Puis on nous a vendu des billets de train sans savoir où nous devions aller et si nous étions d’accord pour nous y rendre. La rumeur chuchotée à la Muette c’est que l’on nous renvoie d’où l’on vient. Pologne. Train à bestiaux, voyage plombé duquel je crois avoir la chance que d’autres n’ont pas eue : de survivre. C’est bien le voyage à Pichipoï, le village qui n’existe pas, non, rien n’existe ici car tout est inexplicable.
Sélection pour un camp de travail où nous sommes rasées, crâne et sexe dépossédés de notre nature, de notre féminité. Tatouées, marquées : des animaux. Parquées. Instrumentalisées. Ici plus d’épouse, d’amoureuse, de mère, de tapissière, de poétesse, de bourgeoise, ni d’ouvrière. Ici l’on est faim, peur, épuisement, désespoir, poux, typhus, travail, travail, travail. Dans nos gestes accomplis tombent en lambeaux, comme nos uniformes sales, nos passés.
Non mon fils, mon Wolf, mon loup, je ne pourrais pas te dire cela. La pudeur est abolie à présent, nos corps décharnés n’ont plus de refuges ni d’âmes. Sous leurs regards brutaux, nous saignons, nous pissons, nous déféquons. Comme des louves déchues.
Nos gardiennes sont Allemandes, des détenues de droit commun. Dans ce système érigé par des hommes, elles ont désormais le pouvoir et c’est une revanche. Et leur revanche est violente, sauvage. Leur devoir désormais est de donner libre cours à ce qui les avait condamnés auparavant. Elles le font bien : de toute leur hargne, leurs frustrations passées et leur petitesse aussi. Elles sont grandes, vives, mordantes. Leurs joues sont roses et leurs lèvres brillantes s’ouvrent pour beugler leur haine.
Elles nous accompagnent sans pause de jour comme de nuit, nous surveillent dans les boues des canaux où plongent nos mains, nous fouettent si l’une d’entre nous vacille sous la charge de travail, dans le trop grand froid ou sous le soleil brûlant. L’air pue certains jours plus que d’autres et selon que le vent nous amène les fumés du camp voisin. Elles tirent nos ficelles, nous sommes les frêles marionnettes du massif des bouleaux.
Elles s’imaginent libres, les naïves, mais leurs gestes de commande, leurs hurlements de harpies, ne sont qu’imitations débridées de leurs anciens matons.
Nous sommes près d’une centaine dans ce qui fut avant notre campement, une petite école. Les chants joyeux des enfants se sont tus, gémissements, sanglots et hurlements les remplacent. Nous nous comprenons entre Allemandes et Yiddishkés, mais les mots ne nous rassemblent pas puisque nous nous haïssons : c’est leur tâche et notre condamnation.
Pourtant je vois jour après jour dans leurs yeux la peur qui ne manque pas de nourrir leur détestation. Même si elle ne veulent pas le savoir, elles aussi sont prisonnières. A n’importe quel moment des SS débarquent, se soulent avec elles, chantent avec elles, les entrainent dans les postes de surveillance d’où sortent leurs beuglement bestiaux. Elles sont si torves qu’elles n’imaginent pas qu’un temps, malgré le peu de vie qui résiste en nous, nous pourrions retourner nos poings contre elles. Nos mains, nos pieds, nos osselets faméliques, crispés. À peine des outils, encore moins des armes.
Elles s’acharnent et plus elles s’angoissent et plus nous le sentons et nos faiblesses s’entremêlent comme une masse d’air chaud rencontre une masse d’air froid, on perçoit la menace de l’ouragan fatal.
Lorsque Bronia revient des latrines dans la mansarde du dortoir, une de nos kapos croit apercevoir dans sa paume, une pierre. Elle crie à la sentinelle la plus proche, que la Juive l’a battue. La tornade s’élève : toutes dans un mouvement de folie déchaînée, nous nous ruons sur nos gardiennes. Une armée de squelettes à peine vivante, un suicide plus qu’un sursaut.
Sans mal, leurs forces intactes, nos bourreaux nous défenestrent, nous décapitent, nous jettent du haut des escaliers. Nous massacrent.
Puisses-tu mon enfant, mon fils, Wolf tant chéri, ignorer comment j’ai péri, le 5 octobre 1942 à Budy, dans la petite école du hameau morne situé à quelques kilomètres du camp d’Auswitchz Birkenau.
2- WOLF et MADELEINE
Chut ! fit Wolf à Madeleine en lui tenant fortement la main, pour la guider et pour la rassurer. Ce n’est pas qu’elle parlait, mais le moindre de leur pas bruissait. C’est pourtant dans leurs poitrines que le vacarme était le plus assourdissant. Dès que Madeleine avait enjambé la fenêtre du rez-de-chaussée de la maison familiale à minuit pile, Wolf qui l’attendait accroupi derrière le buisson de pivoines, chargea son baluchon sur ses épaules. La jeune fille avait respecté la consigne : prendre un minimum d’effets personnels pour ne pas alerter ses parents.
Plus que trois petits pas et ils franchiraient le portillon du pavillon. Le jeune homme avait pris soin de garer son vélo à une centaine de mètres afin que personne ne puisse le repérer. Même s’il était peu venu et de moins en moins à Boissy-Saint-Léger ces derniers mois, il valait mieux être prudent. Depuis quelques semaines il s’était procuré de faux papiers qu’il avait pu se payer grâce à son travail dans la ferme de Servon où son jeune cousin Victor avait pris sa suite.
Ils roulaient maintenant jusqu’à la gare. Lui pédalant, elle sur le porte-bagages. Il était convenu que Madeleine prenne le premier train pour la gare de Bastille, puis qu’elle gagne la gare de l’Ouest pour le Calvados. Wolf la rejoindrait le temps qu’il lui faudrait pour atteindre le Tronquay. Madeleine avait la possibilité de circuler quasi librement en ses temps de vérifications inopinées des autorités d’occupations et collaborationnistes. Il restait très prudent depuis l’arrestation de Rosa, sa mère. Il allait devoir rouler de nuit, de petites routes en petites routes. Il avait mis une vingtaine d’heures à l’aller, choisissant les voies secondaires, traversant davantage de forêts que de villages. Il allait faire le chemin inverse, avec une force décuplée par la joie de retrouver Madeleine et de l’avoir pour lui et au grand jour.
Fini les lettres échangées, que Madeleine devait récupérer chez une amie et Wolf auprès de son employeur. Ils allaient pouvoir se raconter de vive voix, et vivre leur amour sans crainte. Le patron de la ferme où Wolf, embauché sous le nouveau non de Louis Coursan, était bouvier avait accepté d’embaucher la jeune fille pour seconder son épouse. Elle pourrait s’installer dans la petite pièce aménagée dans la grange où Wolf créchait depuis plus d’une année maintenant. Quel bonheur, se répétait le garçon en pédalant dans le noir !
Madeleine, bien que bercée par le roulis du train, peinait à se décontracter. Elle tremblait encore un peu en réalisant ce qu’elle venait d’accomplir. Cette idée folle qui lui était venue, malgré tous les risques qu’elle prenait, était en train de se réaliser. Autour d’elle nul ne se doutait de son dessein. Les personnes qui partageaient son compartiment de troisième classe semblaient toutes occupées par leurs propres affaires. Le trajet se déroula sans encombre. Elle était pressée de mettre un pied au Tronquay. Ses futurs employeurs l’attendaient. Elle s’inquiétait de savoir si elle ferait l’affaire parce qu’en aucun cas, elle ne pourrait retourner à Boissy-Saint-Léger. Son père ne pourrait jamais lui pardonner sa fugue. Sa mère… non, non, surtout ne pas penser à maman. Madeleine l’adorait et imaginer la peine qu’elle n’aura pas manqué de lui faire lui était insupportable. La jeune fille avait bien pensé lui laisser un mot pour la rassurer et l’assurer de son amour. Wolf l’en avait dissuadé : si ton père tombe dessus, il l’accusera de complicité. Le père était capable de violence, tout le monde avait déjà goûté au plat de sa main.
Madeleine avait déjà pris ses marques lorsqu’enfin Wolf fut de retour à la ferme deux jours plus tard. Madame Poulard avait huit ans de plus qu’elle et un petit garçon espiègle. Madeleine s’était spontanément instituée répétitrice du gamin. Wolf débarqua au cœur d’une aube ensoleillée, Madeleine, déjà levée, se précipita dans la cour pour l’accueillir. La fatigue du périple disparut dès qu’elle fut dans ses bras.
Wolf put se reposer quelques heures puis rejoignit son troupeau de vaches dans le pré. Il avait manqué à la bonne marche de l’exploitation et le fermier se réjouit du retour de son courageux bouvier. Vivement, vivement que le soir voit les amants réunis pour ce qui allait mettre un terme à des mois de rencontres furtives. Leur première nuit, enfin, celle dont ils rêvaient n’était qu’à une poignée de tâches. Madeleine venait d’avoir vingt et un ans, l’âge de la majorité. Son père ne pouvait plus rien contre elle. Elle était libre d’aimer ce garçon. Sa mère comprendrait.
Ce fut une longue lune de miel pleine de labeurs. Leur bonheur rejaillissait sur tous. Mais pas assez pour oublier la présence des trente-cinq mille soldats de la Wermarcht qui occupaient la Normandie en consommant tout ce qui faisait défaut à la population locale grâce à leurs marks dévalués. Le marché noir, comme partout en France, tentait avec mille risques de nourrir les Normands rationnés. Une bonne année passa. De ferme en ferme bruissait la rumeur d’un débarquement des alliés.
Au matin du 27 mars 1944, Pierrot Poulard fit entrer ses deux copains du village devenus gendarmes, dans la cuisine, avec le plus grand naturel et sans appréhension. Après avoir avalé une chicorée améliorée d’une petite goutte de calva, le plus bavard des deux le questionna sur ses employés. C’est à ce moment que Madeleine pénétra dans la pièce. Pierrot la pressa d’aller chercher Wolf qui nettoyait l’étable.
Le jeune homme avait beau brandir sa carte d’identité au nom de Louis Coursan, les gendarmes savaient déjà qui il était. Ils l’arrêtèrent et le livrèrent aux autorités allemandes. Il avait été dénoncé par le père de Madeleine ainsi que cette dernière l’apprit de sa mère, lorsque désemparée, rongée par l’inquiétude, elle finit par lui écrire et qu’en retour elle reçut ce terrible aveu. Madeleine ne revit jamais Wolf, assassiné à Auswitchz à vingt-deux ans. La rupture avec sa famille fut définitive.
Deux mois plus tard, les Alliés débarquaient à quelques kilomètres de la ferme.
3-MEIER ET RAJA
Bien qu’en 1903 la ligne de chemin de fer partant à l’ouest de Varsovie, faisait désormais la liaison jusqu’à Sochaczew, le relais de Poste de Meier et Raja Diament conservait une grande activité. D’abord parce que les trajets en calèche étaient toujours utiles pour relier les bourgs et les villages non desservis par le train et aussi du fait que l’auberge attirait une nombreuse clientèle prisant la cuisine de Raja. Meier avait assis une excellente réputation de soigneur de chevaux et les voyageurs ainsi que les fermiers locaux recouraient à sa bonne pratique en priorité. Il cumulait le métier de vétérinaire et de maquignon.
Le couple était prospère. Huit enfants étaient nés de cette dynamique et amoureuse union. La pauvre Raja dut mener une quinzaine de grossesses durant sa vie. Les cinq premiers nourrissons ne survécurent pas longtemps. Elle était encore jeune et son espoir ne faiblissait pas. Elle se consolait à la cuisine de son auberge en élaborant des recettes casher qui régalaient aussi bien ses coreligionnaires que les Gentils.
Enfin une petite Laya s’accrocha à la vie, le rabbin de leur synagogue la renomma Alte Laya, car elle fut l’aînée de ceux qui suivirent et composèrent la grande fratrie. Deux autres filles vinrent au monde dans leur vaste demeure, Ester et Ita. Les garçons furent au nombre de cinq : Hiel, Paul, Moshe, Nosom et Lipman.
Lors des hivers rigoureux, les enfants se rendaient en patins à glace à l’école sur la Bzura, la rivière qui traversait le bourg. Leurs parents exigeaient qu’ils soient de bons élèves afin de pouvoir accéder à différents métiers. Leur statut de juif était fluctuant et plus ou moins favorable, selon les lois et décrets des dirigeants au pouvoir. Certaines professions leur étaient interdites en raison de la tendance arbitraire du moment. La Pologne était régulièrement envahie, même la Suède l’avait dirigé un temps et ses frontières pouvaient changer du jour au lendemain. Quand bien même la population juive n’était pour rien dans ces fluctuations, le ressentiment des citoyens catholiques s’abattait trop souvent en représailles cathartiques sur eux.
Pendant le tout début de la première guerre mondiale, entre 1914 et 1915, des batailles de position entre Allemands et Prussiens se déroulèrent aux portes de la ville semant la terreur. De nombreux bâtiments furent détruits par des incendies menés par les Allemands dont la gare, l’hôtel de ville, une église et des habitations. Le relais de Poste qui assurait, grâce à Meier, des soins infirmiers pour les chevaux et pour les combattants et que Raja nourrissait, resta intact. Voici la preuve, confirma le père de famille à ses enfants, que votre place dans la société doit toujours être utile et vertueuse.
Le mouvement hassidique faisait florès à Sochaczew depuis le dix-neuvième siècle, dispensé par la figure charismatique d’un de ses rabbins. Meier et Raja n’adhéraient pas à ce courant, trop habitués par leur métier à échanger avec des étrangers de toutes provenances et origines. Ils restaient fidèles à leur histoire, mais se sentaient davantage du côté de la tendance Haskala, les Juifs des Lumières, qui prônaient une judéité moderne, libérale et ouverte sur le monde.
Sochaczew était une ville prospère, de belles entreprises de filatures s’y installaient et Varsovie, à une heure de train, rendait les échanges commerciaux et culturels aisés. Les concerts se donnaient plus que n’importe où dans la voïvodie de Mazovie : c’est dans un faubourg de la ville que Fréderic Chopin avait vu le jour.
Les enfants grandissaient, se mariaient, devenaient à leur tour parents et tous se retrouvaient pour ces occasions et partageaient la joie de demeurer une famille unie. Si Raja se sentait parfois fatiguée alors ses filles prenaient en charge la préparation des repas qui comptaient plus d’une vingtaine de Diament. Meier avait embauché du personnel aussi bien pour le seconder aux écuries qu’à l’auberge. Il avait acheté des terres qu’il louait aux paysans, grâce à la politique favorable envers les Juifs du général Pilsudski qui gouvernait la Pologne à cette période.
Raja avait tenté de cacher le plus longtemps possible la maladie que le médecin lui avait sans peine diagnostiquée. La tumeur rebondie de son sein était parfaitement visible et l’état général de la matriarche se dégrada rapidement. Son calvaire prit fin en 1923. Elle avait cinquante-deux ans. Ce fut un chagrin immense pour tous de perdre cette épouse et mère d’une gentillesse, douceur, dynamisme et générosité sans faille. Meier, tourmenté par la terrible perte de son alliée de toujours, la suivit de très près. Leurs enfants, soit déjà engagés dans d’autres fonctions, soit trop jeunes, comme Ita et Paul, durent se résoudre à vendre dans la tristesse la belle affaire du relais de Poste.
Alta Laya mit tout son amour pour continuer à faire le lien entre tous ses frères et sœurs et leurs nouvelles familles. Seul un frère, Hiel, s’installa avec son épouse, comme cordonnier à Varsovie, tous les autres restant dans le bourg natal. Depuis combien de temps les Diament, résidaient dans cette région, nul ne s’en souvenait. Un des plus vieux cimetières juif se trouve à Sochaczew, des sépultures datant du quinzième siècle s’y érigent.
En revanche, une particularité dominante dans leurs traits racontait une origine lointaine et asiatique. Ita, entre autres, avait les yeux bridés, vert clair, mais bridés et le teint mat. On aimait évoquer cette possible appartenance au vieux peuple khazar qui charriait le mythe d’un passé héroïque et exotique.
Les Allemands ont pris Sochaczew le quinze septembre 1939 après une semaine de bombardements. Une de leurs premières actions fut d’éliminer toute trace bâtie de la présence juive. Synagogue, école, bain rituel. La famille, une trentaine d’adultes et d’enfants, fut, à l’instar de leurs coreligionnaires, parquée dans un ghetto mis en place par les nazis et qui comprenaient plusieurs rues dans lesquelles furent entassés les 2000 juifs qui vivaient là. Le quartier ainsi défini fut encerclé de barbelés. Les conditions de survie furent épouvantables. Au manque de liberté, malnutrition, maladies opportunes s’ajoutaient les brimades organisées par la perversité de leurs geôliers. Les hommes étaient rasés, sommés de se déshabiller et de partir nus couper des arbres dans une des nombreuses forêts des alentours. Pas une journée sans humiliation ni exécution sommaire.
Au printemps 1941, les survivants du ghetto furent emmenés à Varsovie d’où ils furent déportés à Auswitchz pour être assassinés.
Hormis Paul, enfui en France dans les années 30 et Ita réfugiée en URSS, aucun membre de cette nombreuse famille ne survécut. Les Diament disparurent tout à fait de Sochaczew.