Sur son lit de mort, Ernestine revient sur son passé douloureux. Née en 1882 dans l’Aisne à Guise, dans une famille ouvrière, son enfance est rythmée par les joies humbles de la communauté du Familistère, utopie sociale créée par Jean-Baptiste Godin. Sa vie d’adulte est une succession de luttes personnelles, de pertes tragiques, et de choix ardus. Le roman qui s’appuie sur des faits réels met en lumière l’impact des conditions sociales sur les trajectoires individuelles, entre espoir et désillusion. À travers des souvenirs empreints de mélancolie, « Aimée ? » est un témoignage poignant de résilience et d’humanité. Grâce à une richesse descriptive et un souci du détail historique, c’est surtout une immersion dans la France courageuse et laborieuse de l’époque. Le ton oscillant entre une sobriété émotive et une observation lucide des réalités sociétales, « Aimée ? » est un livre simple et humaniste.

Extrait

Je ne suis plus que l’ombre de moi-même. J’épouse Henri dans deux jours et je ressens une grande douleur. Ce vide dû à la mort qui vient de me prendre, ma fille, est immense. Alors à moi aussi, c’est arrivé… La perte d’un enfant. Comme Mamie Na, comme Maman… Je pensais que le pire que j’aurais vécu dans ma vie de femme était l’abandon de ma seconde fille, mais je crois que je me suis trompée. Le jour de mon mariage tant attendu devait être heureux. Deux crues secondaires se sont produites en février et en mars après celle de janvier. Depuis le 15 mars, la Seine a retrouvé son lit, mais il faudra au moins deux mois pour que tout soit nettoyé et reconstruit. Paris n’a donc pas plus fière allure que moi. Le temps est maussade et humide. J’ai fait au mieux pour me faire belle, mais le décès de notre enfant est encore marqué sur mes traits, d’autant qu’Henriette sera inhumée cet après-midi au cimetière de Bagneux. Sur ma robe noire la plus convenable, je portais le médaillon en vermeil que Mamie Na m’avait offert avant sa mort. J’y avais glissé la photographie de mon petit Ernest afin qu’il soit un peu avec moi.