Parcourir cet ouvrage, c’est balayer les explications, s’en tenir aux émotions, oublier ses propres frontières, ses pudeurs. C’est avoir lu le mot « fin » puis saisir un pinceau ou mettre ses chaussons de danse, aiguiser son stylo, accepter le support de ce qui sera votre création, de la partager ou pas mais de lui donner vie.

Extrait

Fausse Alerte

Soudain le jour se lève, deux soleils jaunes envahissent la pièce, ils propagent dans ma nuit familière des rayons agressifs qui me rappellent d’un seul coup à la réalité, je déteste ça.
Il s’en suit un claquement sourd et net. Dans la cour, les brindilles craquent, j’entends des pas, je remarque que les faisceaux lumineux sont déjà repartis, laissant place à une obscurité bienveillante. Il est quatre heures, la porte s’ouvre c’est mon fils ou plutôt notre fils. Il a toujours été notre fluide, coulant dans nos veines, plus vital que le sang, il est notre essentiel, notre tout.

Je le contemple, son visage est marqué par les excès de la fête. Il ne monte pas se coucher directement, me regardant à son tour, il devine, ne fait aucun commentaire, me montre qu’il sait, sans jugements.
Il s’approche du chevalet doucement, lentement, les corps sont fatigués. L’atmosphère est apaisée, ouateuse, plutôt confortable. Peu de sons sortent de nos bouches pâteuses.
Cependant, les silences ne sont pas malaisants, un vocabulaire sensoriel se met en place, les voyelles sont des regards, les consonnes des sourires. C’est une langue que seul ceux qui s’aiment peuvent utiliser. Au-dessus de tout, ce dialecte ne souffre d’aucune hypocrisie ni de convention, il ne s’apprend pas il se construit et notre fils de 20 ans en connaissait toutes les facettes, il en maîtrisait la syntaxe et la ponctuation. Rien ne perturbe la nuit et son pouvoir relaxant, nous conversons sans parole, portés par nos abus noctambules.